Le vendredi 16 septembre 2011

Économie

Attachez vos tuques, ça va brasser très fort

Le Canada sera-t-il le premier pays à retomber en récession?

Canada ]

Par Richard Le Hir

À 80% de chances d’une nouvelle récession, c’est donc dire qu’il ne nous reste plus qu’une chance sur cinq d’éviter le pire – autant dire un miracle – car il faut comprendre qu’une nouvelle récession, arrivant aussi vite dans la foulée de la précédente et sans que nous ayons connu de véritable reprise.

Les événements vont vite, très vite même. Il y a quelques jours encore, le premier ministre Harper et son ministre des Finances Flaherty vantaient la bonne santé insolente de l’économie canadienne. Tard dans la soirée hier, une nouvelle pour le moins inattendue (sauf pour ceux qui savaient) tombait sur le fil de la Presse canadienne : Le Canada pourrait être le premier pays à retomber en récession.

Diable! Le premier? Ça va si mal que ça?

Pour ma part, aucune surprise. Je venais justement d’écrire un texte qui soulignait

« à quel point la situation économique canadienne est fragile et combien le Canada a besoin pour sa survie politique d’une croissance régulière pour que le gouvernement fédéral puisse continuer à intervenir comme il le fait pour gommer certaines inégalités qui auraient vite fait de mettre le feu aux poudres s’il fallait qu’elles s’accentuent, notamment en amenant les Canadiens de partout au pays à s’interroger sur les raisons de maintenir en place à Ottawa une infrastructure de redistribution s’il n’y a plus rien à redistribuer ».

Et je citais un article du magazine électronique Business Insider « qui trace pour une rare fois un portrait réaliste de la situation économique canadienne et des menaces qui pèsent sur elle ». Au moment d’écrire ces lignes, j’ignorais complètement qu’une étude récente de la Banque Scotia était sur le point de sortir et qu’elle contiendrait des conclusions encore plus alarmantes. Jugez-en vous-mêmes : le retour des États-Unis en récession « pourrait amener le Canada au bord du gouffre, voire le précipiter dans le vide. »

***

Prenez quelques minutes pour mesurer le sens de ces mots. Cela fait bientôt quarante ans que je lis quotidiennement des rapports économiques. Jamais je n’ai vu un dirigeant d’une banque canadienne tenir des propos aussi alarmants et alarmistes. Dans la très grande majorité des cas, ils sont plutôt du genre « plain vanilla », comme on dit en anglais pour décrire quelque chose d’inodore, insipide et sans saveur, et il faut vraiment que le ciel soit sur le point de nous tomber sur la tête et le plancher se dérober sous nos pieds pour que la Banque Scotia se soit sentie non seulement justifiée mais poussée à utiliser un tel langage, car elle avait le choix de le garder sous le boisseau.

Et encore, l’analyse de la Banque Scotia utilise-t-elle le chiffre très conservateur de 40 % pour évoquer les chances que les États-Unis tombent en récession l’année prochaine. Les économistes les plus pessimistes prétendent que les États-Unis ne sont jamais sortis de la récession de 2008. La plupart des autres évoquent la possibilité d’une rechute en récession comme le rapportait le magazine Time et le site MoneyMorning en juin, et le site CNBC, spécialisé en nouvelles économiques et boursières, évoquait le 25 août dernier une possibilité de 80%.

Il n’est pas un seul jour qui passe sans que de nouvelles données ne viennent confirmer la tendance très négative de l’économie, que ce soit aux États-Unis ou presque partout ailleurs dans le monde. Le chiffre de 80 % apparaît donc tout à fait vraisemblable, et la faible performance de l’économie canadienne ces derniers mois en constitue une confirmation, vu le degré d’intégration de l’économie canadienne à l’économie américaine.

À 80% de chances d’une nouvelle récession, c’est donc dire qu’il ne nous reste plus qu’une chance sur cinq d’éviter le pire – autant dire un miracle – car il faut comprendre qu’une nouvelle récession, arrivant aussi vite dans la foulée de la précédente et sans que nous ayons connu de véritable reprise (normalement, après une récession de la force de la précédente, nous devrions connaître une croissance de 5 à 7 % en ce moment), serait bien davantage qu’une simple récession, et sans doute même une dépression en bonne et due forme.

C’est sans doute cette perspective bien réelle qui a amené la Banque Scotia à brosser un tableau aussi noir de la situation. Les causes de la détérioration de celle-ci sont désormais bien connues, et j’invite ceux qui en auraient manqué des bouts à consulter la revue de presse de Vigile du dernier mois dans son dossier « Chronique d’un monde en pleine décomposition ».

***

Mais une dépression aujourd’hui serait bien différente de celles du passé. La dernière remonte à 1929 et aux années 1930. À l’époque, le Canada était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui, et, pour faire court, n’existaient surtout pas les énormes programmes sociaux d’aujourd’hui qui sont devenus depuis les années 1960 et 1970 l’épine dorsale de la fédération canadienne par le truchement des transferts sociaux et de la péréquation, en remplacement des… chemins de fer (!) comme c’était en effet le cas encore en 1929.

En 2011, l’enjeu est donc la survie de la fédération canadienne, et la question de cette survie pose inévitablement celle de la place du Québec dans celle-ci, comme les événements des prochains mois et des quelques prochaines années vont se charger de nous le démontrer.

Pour les Québécois, le moment de se brancher est venu, sans même que les « séparatisses » y soient pour quoique ce soit, tant sont fortes les lois naturelles de la gravité et de l’inertie. Il leur reste toutefois à démontrer que si le Canada risque de perdre son épine dorsale, ils n’ont pas perdu la leur.

2 commentaires à cet articleFlux RSS des commentaires

  1. 1 Boisvert Pierre JJ Le 17 septembre 2011 à 9h34

    Faut-il s’étonner que le Canada tombe en récession, j’ai pas besoin des lumières de la banque Scotia pour savoir qu’il l’est déjà depuis au moins deux ans,sinon plus ? Cé rêver en couleur de croire à une croissance positive dans ces années-ci où la piasse canadienne est forte contrairement à celle des USA.
    La seule croissance positive si on peut appeler ça, « reste celle du monde des affaires » : bon an mal an,ces derniers font en sorte d’augmenter démesurément le coûts réels des produits et des services sans liens avec le taux d’inflation; augmentent ainsi leurs profits ainsi que leurs bonus. Les banques tiennent les consommateurs pieds et poings liés ainsi que la classe politique aplaventriste et statuquiste, ce par leurs diktats tyranniques, égoistes et mensongers sur toute l’économie comme de la population.
    Laissez-moi rire un bon coup de la survie de la fédération canadienne,une prison commune pour mettre à genoux toute une population à seule fin que Nos apatrites affairistes continuent la dolce vita en fesant des affaires avec des pays où la production ne coûte e rien ou presque.
    L’unité québécoise plutôt que la fumiste unité canaillienne, ce pour sortir de cette fédération-prison de canailleux, et plus vite on n’y arrivera et mieux on se portera pour restructurer Notre économie aux goûts d’une population mature et plus avisée qu’elle ne l’est présentement.
    Enfin, un nouveau système politique lié à une démocratie doit naître au néo-coeur patriotique des québécois, et ça urge de s’entendre désormais entre toutes Nos régions bien avant le reste du Canada comme du monde.

  2. 2 norm Le 14 octobre 2011 à 21h52

    Que d’alarmisme!!! tant et aussi longtemps que nous reagirons comme ça il est sûr et certain que nous aurons un récession. bonne chance aux pessimistes!!!

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Article original: Vigile.net - Richard Le Hir

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Profil: Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)

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Cet article de 870 a été rédigé par Richard Le Hir il y a 12 ans et 7 mois, le vendredi 16 septembre 2011.

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