Le mardi 18 mai 2010

QuébecÉconomie

La Caisse de dépôt: Alerte rouge

Aristote ramène tout à l’essentiel : Qui contrôle l’État et au profit de qui?

Par Jean-Claude Pomerleau

Qu’est-ce qui devrait sérieusement nous alerter? Le fait que Charest a ouvert la porte à une instrumentalisation de la Caisse par des intérêts privés, lesquels n’hésiteront pas à se servir. C’est exactement ce qui est arrivé avec la Caisse de dépôt et consigne de la France (CDC).

On apprend que la Caisse a mandaté, à fort prix, la société McKinsey pour lui fournir des conseils sur la gestion de risques. L’ineffable M. Bachand se porte à la défense de la décision prise par Sabia : « Quand tu as perdu 40 milliards de dollars, réagit le ministre à l’émission de Jean-Luc Mongrain à LCN, peut-être que tu peux te questionner sur la gestion de risque et que c’est urgent de le faire avec la nouvelle direction. ».

Autre son de cloche : “Une lettre anonyme est parvenue à Argent dans les derniers jours (Décembre 2009). Dans celle-ci, trois cadres du secteur du placement qui totalisent 42 ans d’expérience à la CDP font un portrait dévastateur de l’ambiance et de la gestion du PDG Michael Sabia. (…) Les signataires questionne également les « travaux cosmétiques en gestion de risques » effectués par la firme américaine McKinsey à coup de plusieurs dizaines de millions de dollars », une action qualifiée de visible et facile.

Pourquoi ce recours au consultant McKinsey, une « commandite » de Sabia ou plus grave encore. Une manœuvre pour doter la Caisse d’un cadre de gestion de risque destiné à servir les visées de puissants réseaux d’argents qui convoitent ses actifs ! J’explique plus loin que c’est en effet ce qu’il faut craindre : Alerte rouge !

Mais avant de revenir à l’opération McKinsey. Il convient de rappeler que la Caisse n’a jamais connu de problème majeur de gestion de risque dans son histoire. Jusqu’à ce que calamité Charest prenne le pouvoir.

La preuve :


Chronique de Michel Girard, 12 décembre 2009.

“Sur les 16 dernières années, soit de 1993 à 2008, les gestionnaires de la Caisse se sont fait battre à seulement six reprises par l’indice de référence qui permet de comparer la performance globale de la Caisse à celle de la moyenne pondérée des indices des diverses catégories d’actifs (actions, obligations, placements privés, immeubles, etc.).

Qui plus est, trois de ces six années de contre-performance globale présentent un minime écart négatif d’à peine un demi-point de pourcentage.

À la lumière de l’analyse de La Presse Affaires, il m’apparaît évident que le désastre de l’année 2008 est un gros accident de parcours. Si la tendance à long terme se maintient, il appert que les déposants de la Caisse ne feraient pas une bonne affaire en privilégiant les fonds indiciels au détriment des gestionnaires de portefeuilles.

Regardons maintenant de plus près la performance sectorielle des gestionnaires de portefeuilles de la Caisse.

Le taux de succès de la Caisse dans les « Valeurs à court terme » est impeccable, les gestionnaires ayant immanquablement battu l’indice de référence année après année.

Du côté du gigantesque portefeuille d’obligations géré par la Caisse, on y frise également la perfection : 15 années victorieuses sur 16 pour les gestionnaires de la Caisse.

Même succès avec les « Placements privés », où la comparaison ne porte toutefois que sur les cinq dernières années.

Comme on sait, la Caisse gère un immense portefeuille « Immeubles ». Là aussi, la Caisse y connaît un succès monstre puisqu’au cours des 16 dernières années, ses gestionnaires ont remporté la victoire à 13 reprises sur l’indice sectoriel de référence. Au sujet du portefeuille « Dettes immobilières », les gestionnaires ont enregistré 10 victoires contre six défaites.

Un coup d’œil maintenant aux portefeuilles d’actions. Les gestionnaires de la Caisse s’en tirent avec les honneurs de la guerre dans le secteur des actions canadiennes : 11 années victorieuses sur une possibilité de 16.”


Historiquement, les rendements de la Caisse ont donc été tout à fait honorables comparés aux fonds de même catégorie. Il n’y a eu qu’un problème de gestion de risque majeur dans l’histoire de la Caisse. Et il s’est produit sous la gouverne de calamité Charest :

La sous performance de 10 milliards en 2008 et de 5 milliards en 2009 qu’a connue la Caisse, par rapport aux fonds de même catégorie, est directement attribuable au changement de la loi sur la gouvernance de la Caisse (Loi 78) , imposée par Charest sous le bâillon en 2004. Ce changement a surexposé la Caisse aux risques des produits dérivés ; et a donné au Premier ministre le pouvoir de tripoter les nominations à la direction ; et, ainsi faire passer la Caisse sous contrôle d’un triumvirat étranger.

Charest a profité du désastre, qu’il a lui-même créé pour placer son pion Sabia à la direction. Ce dernier s’est empressé de remplir une commande politique : Vider de son expertise québécoise la haute direction de la Caisse. Et la remplacer par des personnes venues de l’extérieur : M. Roland Lescure et Oliver Fratzscher,

La mise en poste de ce triumvirat (Sabia, Lescure, Fratzscher) voulu par Charest fait passer de facto le contrôle de notre bas de laine collectif en des mains étrangères. Dans quels buts cette manœuvre de prise de contrôle ? Pour qui roule Sabia ? Un indice. Sa première rencontre avec le Québec Inc. a eu lieu, non pas au siège sociale de la Caisse, mais bien dans les bureaux de Power Corp. Pour lui le Québec Inc. se réduit au pré-carré du clan Desmarais. Rappelons que Sabia s’est rendu lui-même en Europe pour embaucher M Lescure (sur recommandation de qui ?).

C’est là que les conseils en gestion de risque, chèrement payés à la société McKinsey (laquelle a aussi comme client Power Corp.) prennent tous leurs sens.

Voici le nouveau cadre de gestion de risque adopté par la direction de la Caisse : Gestion passive sur les portions de portefeuille (25 % de l’actif de 131 Milliards) ; et, surtout, gestion active pour les portions qui peuvent susciter de l’intérêt pour de puissants réseaux d’argents qui les convoitent (plus de 100 milliards d’actifs) : Les placements privés ; et surtout le portefeuille immobilier ; l’un des dix plus importants au monde, pour lequel la Caisse cherche des actionnaires “étrangers”.

C’est ici que le ménage à la haute direction de la Caisse devrait nous inquiéter. Plus particulièrement la nomination de M. Roland Lescure, (responsable de la stratégie de placement, de la répartition de l’actif du portefeuille global et de la recherche concernant les activités d’investissements) pour « donner son avis en ce qui concerne les placements privés et immobiliers ». Lequel a remplacé M. Fernand Perreault qui a été le principal artisan du portefeuille immobilier (sans doute un témoin gênant pour la suite des choses).

Qu’est-ce qui devrait sérieusement nous alerter? Le fait que Charest a ouvert la porte à une instrumentalisation de la Caisse par des intérêts privés, lesquels n’hésiteront pas à se servir. C’est exactement ce qui est arrivé avec la Caisse de dépôt et consigne de la France (CDC). Albert Frère (Groupe Bruxelles Lambert (GBL), partenaire de Paul Desmarais, a été mis en examen judiciaire pour avoir vendu des actifs à prix prohibitifs à la CDC. Le journaliste, M Cori, qui rapporte l’histoire « terminait son article en évoquant la remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par Sarkozy à Frère et à son associé (notamment au capital de Suez) Paul Desmarais, un milliardaire canadien, en février 2008, avec éloge très appuyé du Président ». « Dans cette optique, tous les avantages accordés à Frère et Desmarais seraient une façon, pour le Président, de renvoyer l’ascenseur. »

Le plan Charest visant à faire passer le contrôle de la Caisse de dépôt en des mains étrangères nous fait craindre le pire. Il est urgent de sonner l’alerte.

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Cet article de 1,220 a été rédigé par Jean-Claude Pomerleau il y a 13 ans et 11 mois, le mardi 18 mai 2010.

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