[ Canada ]
Par Richard Le Hir
À ce moment-là, dans un avenir pas très lointain, le Canada découvrira qu’il s’est assis sur une branche bien précaire, et la chute du symbole préfigurera celle du pays. Aussi indépendantistes que nous soyons, nous serons saisis par le fracas. Des débris empoussiérés émergera lentement et majestueusement le Québec.
Trois événements cet été nous ont permis de comprendre que le gouvernement Harper avait amorcé des grandes manoeuvres pour raccrocher le wagon de l’identité canadienne à la « locomotive » de la monarchie britannique. Ce fut d’abord la visite royale prétendument triomphante du Prince William et de sa princesse, puis l’incident du portrait d’Elizabeth II substitué aux toiles de Pellan dans le grand hall du ministère des Affaires étrangères à Ottawa, et enfin, ces jours derniers, l’annonce que le gouvernement défusionnait les Forces canadiennes pour rétablir les divers corps d’armée sous leur appellation d’origine.
Retour donc de la Royal Canadian Navy, de la Royal Canadian Air Force, avec toutes leurs références à la monarchie, leurs rivalités inter-corps, et leur prodigalité légendaire. Fallait-il que le Canada soit en mal de symboles identitaires pour opérer un tel retour sur l’histoire et effacer d’un trait un grand pan de l’héritage de Pierre Trudeau. La fusion des trois armes, le rapatriement de la Constitution… ? Des clopinettes. Tant d’efforts pour développer une identité canadienne distincte effacés d’un trait de plume et envoyés dans les poubelles de l’histoire. Un « p’tit » Union Jack avec ça ?
Remarquez que lorsqu’on considère seulement la Constitution, on ne peut pas dire que l’opération ait été couronnée de succès. Trente ans après, le Québec ne l’a toujours pas signée, la « maudite », et le moment est même venu de se demander s’il ne s’agissait pas pour le Canada d’une « Constitution maudite ».
Mais ce qui surprend vraiment, c’est le choix du moment. À croire que l’establishment Canadian ne semble pas conscient des grands bouleversements qui nous attendent et qui vont ébranler les derniers fondements de la monarchie britannique comme ils vont ébranler ceux de toutes les grandes institutions dans le monde. Car, il faut bien le comprendre, la société britannique se trouve sur le bord d’un « meltdown » social comparable par son intensité à celui des réacteurs de la centrale de Fukushima au Japon.
Rassurez-vous, ce n’est pas moi qui le dit, mais le très sérieux et très réputé magazine allemand Der Spiegel, aujourd’hui même dans sa version internationale diffusée en anglais, sous le titre : « A Society on the Verge of a Meltdown ». « The riots in London are a social Fukushima for the Western world ».
Un coup d’oeil rapide sur la revue de presse des derniers jours disponible sur Vigile vous permettra de réaliser que ces références ne sont pas les seules, et que les médias du monde entier, sauf curieusement du Canada et du Québec (on se demanderait bien pourquoi si on ne le savait pas…), évoquent quotidiennement depuis déjà un certain temps les dislocations qui s’annoncent.
Aujourd’hui Jacques Delors, le père fondateur de l’Europe des institutions, annonce avec alarme que « l’euro comme l’Europe sont au bord du gouffre » . Et ils sont nombreux à lui donner raison. En Angleterre, la crise devrait atteindre son zénith quelque part au cours de l’automne, avec des mouvements sociaux (déjà annoncés) d’une ampleur sans précédent.
On commence à découvrir l’ampleur de la crise qui ébranle le monde lorsqu’on découvre que des analystes financiers anglophones de Wall Street se mettent à écrire des textes évoquant Versailles et la Révolution française émaillés de citations du Duc de Noailles, avec des têtes de section en français, pour établir un rapprochement avec ce qui s’annonce aux États-Unis.
Alors si vous vous imaginez un seul instant que la remise en question des institutions qui va s’opérer à l’échelle mondiale va par quelque miracle épargner la couronne britannique, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate.
À ce moment-là, dans un avenir pas très lointain, le Canada découvrira qu’il s’est assis sur une branche bien précaire, et la chute du symbole préfigurera celle du pays. Aussi indépendantistes que nous soyons, nous serons saisis par le fracas. Des débris empoussiérés émergera lentement et majestueusement le Québec.
C’est presque biblique, vous ne trouvez pas?
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Richard Le Hir
Article original: Vigile.net - Richard Le Hir
Articles rédigés: 40 articles
Profil: Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
Cet article de 647 a été rédigé par Richard Le Hir il y a 11 ans et 9 mois, le lundi 5 septembre 2011.
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Cet article est catégorisé sous Politique, Canada, Québec.
Les mots clés associés à celui-ci sont Angleterre, Constitution, crise, identité, monarchie.
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Raison de plus de se préparer de façon sérieuse, organisée et médiatisée à l’indépendance du Québec.
Fini les euphémismes et les ambiguïtés des politiciens. Il est temps de choisir son camp au Québec. On est fédéraliste ou on est indépendantiste.
Le Québec doit devenir un Pays indépendant, de langue française et sans association avec le canada, de façon à ce que la Nation fondadrice en prenne le plein contrôle.
[Réjean Pelletier]
canada est un vaste pays ;qui contient differentes racines ;ainsi que differentes coutumes.