Le mardi 19 octobre 2010

PolitiqueQuébec

Adoption du projet de loi 115 par bâillon libéral

Allocution de Pauline Marois à cette occasion

L'état de la langue française ]

Par Parti Québécois

C’est la première fois qu’on utilise le bâillon pour inféoder la volonté démocratiquement exprimée des Québécois aux diktats illégitimes d’une Cour qui ne nous représente pas, s’appuyant sur une loi que nous ne reconnaissons pas.

À l’aube, mardi matin, les députés étaient encore à l’Assemblée nationale à débattre du projet de loi 115, remplaçant le projet de loi 103 qui faisait consensus contre lui. Débattre est un bien grand mot, puisque la procédure législative d’exception qu’est le bâillon a comme résultat inéluctable l’adoption du projet de loi présenté par le gouvernement. Et sans aucune ouverture aux amendements, dans ce cas-ci!

Pauline Marois, chef du Parti Québécois, a pris la parole vers 7h, peu avant le vote. Outrée, déçue mais non surprise de l’attitude de Jean Charest, elle par le de notre histoire et de notre avenir avec fierté et émotion.

La version lue fait foi.

Merci, M. le Président,

Nous voilà au bout d’une longue nuit. Une nuit funeste, à bien des égards. Une nuit où le corps législatif, légitimement élu, de la nation québécoise en aura été réduit à débattre à la sauvette d’un projet de loi aux conséquences fondamentales pour notre avenir collectif.

Évidemment, ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement a recours à une procédure d’exception pour faire adopter une loi.

Mais de mémoire de parlementaire, c’est la première fois qu’on l’utilise pour inféoder la volonté démocratiquement exprimée des Québécois aux diktats illégitimes d’une Cour qui ne nous représente pas, s’appuyant sur une loi que nous ne reconnaissons pas.

En ce sens, M. le Président, c’est un triple viol de notre conscience démocratique.

  • Parce qu’on nous impose une loi contraire à ce que nous avons voulu.
  • Parce qu’on le fait en suspendant la liberté de débattre des élus du peuple québécois.
  • Et parce qu’on le fait pour une loi qui représente un recul réel pour le statut du Québec.

Ce n’est donc pas simplement un bâillon parlementaire, c’est d’abord et avant tout un bâillon sur notre langue, c’est un bâillon sur le français!

Une rupture avec notre histoire

L’histoire jugera, M. le Président.

L’histoire jugera ce gouvernement libéral qui aura rompu avec tout ce qui faisait consensus au Québec.

Le Québec s’était doté des règles éthiques et démocratiques les plus avancées au monde pour s’assurer de la crédibilité de ses institutions; le gouvernement libéral les a foulées au pied l’une après l’autre.

Les Québécois s’étaient appropriés les richesses générées par l’exploitation des ressources naturelles de leur territoire; le gouvernement libéral en est rendu à les donner pour un plat de lentilles.

Les Québécois s’étaient dotés de règles démocratiques et légitimes pour défendre leur identité et leur culture; le gouvernement libéral n’a pas trouvé le courage de continuer à les appliquer.

Il s’agit, M. le Président, d’une rupture avec notre histoire. Et je pèse bien mes mots.

Depuis 1977, année de l’adoption de la Charte de la langue française, tous les gouvernements s’en étaient tenus au même principe. La langue normale de l’éducation au Québec, pour tous les Québécois, c’est le français. Est demeuré un droit, pour les anglophones du Québec de continuer d’avoir leur réseau public, financé par l’État. Ce que personne ne remet en question, M. le Président.

Même s’ils s’étaient objectés à l’adoption de la loi 101 à l’époque, les libéraux s’étaient ralliés par la suite et avaient défendu ce principe aussi. Enfin, on le croyait. Parce qu’hier, le député de Laval-des-Rapides l’a dit : « Nous avons voté contre la loi 101 à l’époque et si c’était à refaire, nous voterions contre à nouveau. »

À la lumière de ce qu’on voit, ça explique bien des choses, M. le Président. Les libéraux démontrent aujourd’hui à l’égard de qui se situe leur véritable loyauté. Renonçant à tout sens de l’État, à toute conscience nationale, ils se taisent et font le dos rond devant un État fédéral qu’ils ont depuis longtemps à changer.

Qu’importe que le gouvernement du Québec n’ait encore jamais reconnu la Constitution de 1982!

Qu’importe que Robert Bourassa ait formulé des demandes minimales pour assurer le maintien du Québec dans la fédération ! De ce nombre, il y avait notamment le contrôle sur un certain nombre de nominations au poste de juge de la Cour suprême, ainsi que la reconnaissance, pour le Québec, d’un caractère distinct à protéger. On sait que le premier ministre libéral actuel n’était pas un chaud partisan de ces demandes, puisqu’il fût l’auteur d’un rapport destiné à les diluer.

Mais jamais un premier ministre du Québec n’était allé si loin dans l’à-plat-ventrisme devant le reste du Canada. Entendons-nous bien.

La Cour suprême est dirigée par des juges nommés par le gouvernement fédéral, sur lequel nous n’avons aucune emprise. Cette cour interprète une loi constitutionnelle que nous jugeons illégitime. Comment le premier ministre peut-il justifier de soumettre la volonté démocratique des Québécois à un système conçu expressément pour la briser?

Le gouvernement Charest gère à la petite semaine

Le gouvernement peut bien finasser avec les concepts, il faut dire les choses telles qu’elles sont : le projet de loi ne ferme pas la porte aux écoles passerelles. Il ne vient pas non plus limiter leur portée. Le projet de loi débattu, il légalise les écoles passerelles, il les reconnaît.

C’est un recul majeur, historique dans l’histoire du Québec. Parce qu’il permet ainsi à des parents d’acheter le droit pour leur enfant d’accéder à l’école anglaise. Ils achètent ce droit pour un de leurs enfants et ils l’obtiennent ainsi pour tous ses frères et soeurs ainsi que pour leur descendance. C’est donc dire que si la volonté du gouvernement libéral est respectée, le rayon d’application de la loi 101 ira en se restreignant de façon inexorable dans les années à venir.

Le recul est d’autant plus grand, donc, parce qu’il va s’agrandir avec le temps. Mais il ne faut pas s’étonner que ce gouvernement n’ait pas pensé à cet aspect.

Voilà bientôt huit ans qu’ils gèrent à la petite semaine. Je dirais même parfois que de survivre à l’actualité quotidienne est devenu la principale préoccupation de ce gouvernement…

Le résultat, c’est qu’avant longtemps, le Québec sera divisé en deux catégories de citoyens. Il y aura, d’un côté, les citoyens qui respectent l’esprit de la Charte de la langue française. Et il y aura de l’autre ceux qui auront eu les moyens de s’acheter le droit de la contourner.

Selon le premier ministre et la ministre de la Culture, c’est ce qu’on appelle un État juste et respectueux des libertés…

Eh bien, M. le Président, nous ne laisserons pas faire ça. J’en ai pris l’engagement formel. Et je le réitère devant vous.

Bientôt un nouveau gouvernement

Il y aura bientôt un nouveau gouvernement au Québec. Un gouvernement qui, lui, va prendre ses responsabilités devant l’histoire.

Nous, du Parti Québécois, nous rendrons à la langue française la place qui lui revient dans l’éducation de nos enfants.

Nous allons fermer la porte définitivement aux écoles passerelles!

Qui est vraiment radical?

Selon les gens d’en face, il s’agit là d’une position radicale. En entendant ça d’ailleurs, une phrase de Pierre Falardeau me vient à l’esprit :« On va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part. »

Ainsi, selon le gouvernement, le Conseil supérieur de la langue française, dont nous appuyons la position, est radical.

Toujours selon le gouvernement, les anciens ministres Benoît Pelletier et Thomas Mulcair sont des radicaux.

Donc, pour le gouvernement, c’est normal de préférer la Cour suprême à l’Assemblée nationale. De préférer l’arbitraire à la démocratie. De donner préséance à la Constitution de Pierre Elliott Trudeau sur la loi 101 de René Lévesque et de Camille Laurin.

Eh bien!, je vais vous dire ce que je pense. Nous nous trouvons présentement devant le gouvernement le plus radicalement fédéraliste de toute l’histoire du Québec!!!

Pour eux, jamais rien ne remettra en question leur lien avec le Canada. Aucune insulte, aucun geste de mépris et d’incompréhension. Ils sont résignés à vivre le Canada tel qu’il est, parce qu’après tout, ils l’aiment comme il est. Et jamais ils n’accepteront d’envisager une autre option, parce que leur adhésion au fédéralisme passe avant toute autre chose.

Et ils sont contraints de servir plusieurs maîtres. On l’a vu ce matin, dans Le Devoir. Vingt-deux dirigeants de six écoles passerelles ont donné plus de 110 800 $ au Parti libéral. C’est toujours la même chose!

Vous cherchez à comprendre la conduite de ce gouvernement? Suivez la piste de son financement!

Agir en toute liberté

Au Parti Québécois, nous agissons différemment.

Confrontés au même problème, il y a près d’une décennie, nous avons su trouver une solution qui a réuni les Québécois plutôt que de les diviser. Et de fait, nous avons obtenu l’unanimité de tous les partis pour faire adopter la loi 104, qui, elle, colmatait la brèche des écoles passerelles.

Aujourd’hui, nous allons adopter la loi 115 sous le coup d’un bâillon. On voit ici la différence dans le style de leadership.

La différence dans l’approche. Et je vais vous dire pourquoi nous avons agi ainsi. Parce que nous, au Parti Québécois, nous n’avons qu’un seul maître. Et ce maître, c’est le peuple québécois!

Nous n’avons pas de comptes à rendre au fédéral. Nous n’avons pas de retour d’ascenseur à donner à des donateurs. Nous avons seulement une mission historique à remplir.

Cette mission, c’est de permettre aux Québécois d’être enfin maîtres chez eux. De décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes. C’est le seul moyen définitif de prendre soin de notre langue de notre identité.

Le seul moyen, c’est de nous donner un pays!

Hier, tout au long de la journée, les Québécois ont réagi et se sont exprimés. Ils ont jugé très sévèrement le gouvernement pour son attitude irresponsable. Ils n’ont pas été dupes devant les tentatives de diversion des membres du gouvernement. Ils en ont l’habitude.

Hier, des milliers de Québécois se sont fait entendre. Dans les réseaux sociaux, par des courriels. Une manifestation spontanée a regroupé quelques centaines de personnes devant l’Assemblée nationale et une autre en a mobilisé quelques milliers devant les bureaux du premier ministre à Montréal.

Ce que ça montre, c’est que les Québécois sont encore là. Ils sont encore prêts à se battre.

Hier, en quittant l’Assemblée nationale, de partout sur la Colline parlementaire, on pouvait entendre le drapeau du Québec claquer sous l’effet du vent. J’avais l’impression d’entendre le coeur de la nation québécoise qui battait encore, plus fort que jamais.

Oui, M. le Président, le débat ne s’arrête pas là. L’école française reprendra la place qui lui revient au Québec. Les institutions démocratiques québécoises retrouveront leurs lettres de noblesse. Il y aura bientôt une nouvelle vision pour gouverner.

Un gouvernement qui verra le Québec comme ce qu’il est. Comme une nation. Une nation qui est plus que prête à devenir un pays!

Merci, M. le Président.

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  1. 1 Jean Rousseau Le 20 octobre 2010 à 12h23

    LA COMBINAISON SACRÉE

    Quand l’ancien PM Bouchard s’était aperçu, (que malgré tous ses efforts), l’option de l’indépendance ne levait plus, il a démissionné. En se faisant, il a laisser le champ libre à quelqu’un d’autre de plus avantagé, (par rapport au contexte), pour relancer le combat. Puisque les néophytes ne parviennent pas toujours à différencier la conscience de l’intelligence, situons la première du côté des capacités informatiques et la seconde, d’origine divine. D’habitude, on observe plutôt des gens qui fonctionnent bien à l’intérieur de cadres; (habitudes, patterns, religions, ligne du parti, préjugés…). Et beaucoup plus rarement, des personnes innovatrices en capacités de sortir de la base, des conventions; (Robert Lepage, Guy LaLiberté, Dali…).

    Les difficultés de la PM Marois à exercer un leadership sain et efficace proviennent du fait qu’elle ne joint pas à un degré suffisant de l’atout en question. Elle se retrouve dans la position d’un romancier qui s’obstinerait à vouloir écrire en dépit d’un manque d’inspiration. De sorte que seuls les fans finis, les purs et durs ou les religieux de la cause, s’en satisferont. Les gens en général ressentiront cette inaptitude de la dame, (laquelle influencera tout son être) et choisiront le parti le plus aligné sur la survie, voire la réalité.

    (“Si tous les gens tendent au plaisir, c’est que tous désirent vivre” (PLATON).

    Faire preuve de maturité, (ou de perspicacité), nous amènerait à s’astreindre à convaincre la chef de se rendre à l’évidence de permettre à une personne plus disposée à exercer ce rôle primordial pour la société. Le professeur Joseph Facal me semble convenir à la situation. Ancien ministre et chroniqueur apprécié, je retrouve dans ses écrits, (tel que ses élèves, je crois), à la fois une agréable jeunesse couronnée du sceau de l’expérience réfléchit.

    Jean Rousseau, B. Ps
    conseiller en psychologie du développement
    courriel: jeanrousseau1956@live.ca

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Cet article de 1,705 a été rédigé par Parti Québécois il y a 13 ans et 5 mois, le mardi 19 octobre 2010.

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