Le samedi 18 juin 2011

InternationalPolitique

La Grèce en pleine révolte populaire

En Europe, on censure l'information; ici, on la manipule

Par Richard Le Hir

La démocratie est désormais en péril en Grèce où un gouvernement social-démocrate a choisi de se retourner contre le peuple qui l’a élu pour faire le jeu des banques internationales créancières du pays, et le déposséder non seulement de ses acquis sociaux, mais également de son patrimoine collectif par le jeu d’une privatisation aussi sauvage que systématique.

Il se déroule en Grèce en ce moment une tragédie dont on cherche à nous cacher l’ampleur, une tragédie qui, par une de ces ironies mordantes dont seule l’histoire a le secret, met justement en jeu le plus grand cadeau de la Grèce Antique à l’humanité : la démocratie.

En effet, la démocratie est désormais en péril en Grèce où un gouvernement social-démocrate a choisi de se retourner contre le peuple qui l’a élu pour faire le jeu des grandes banques internationales créancières du pays, et le déposséder non seulement de ses acquis sociaux, mais également de son patrimoine collectif par le jeu d’une privatisation aussi sauvage que systématique.

Devant cette agression sans précédent, le peuple est descendu dans la rue qu’il occupe sans désemparer depuis bientôt trois semaines, non seulement à Athènes, la capitale, mais dans toute la Grèce comme l’illustre éloquemment la carte ci-dessous parue dans un article mis en ligne par Vigile :
La grogne en Grèce

Deux semaines (nous en sommes maintenant à trois) après ses débuts, le mouvement des « Indignés » grecs fait déborder les places des villes du pays par des foules énormes (souvent plusieurs dizaines de milliers) criant leur colère, et fait trembler le gouvernement Papandreou et ses soutiens locaux et internationaux. Ce n’est plus ni une simple protestation ni même une mobilisation d’ampleur contre les mesures d’austérité. Désormais, c’est une véritable révolte populaire qui balaie la Grèce! Une révolte qui crie haut et fort son refus de payer « leur crise » et « leur dette » tout en vomissant le bipartisme néolibéral sinon l’ensemble d’un personnel politique aux abois.

J’ai beau être un mordu d’information et suivre l’actualité internationale en m’abreuvant à plusieurs sources, nulle part n’avais-je trouvé dans la grande presse internationale un écho de ces événements au cours des trois dernières semaines. J’ai donc été solidement interpellé par les commentaires suivants, toujours dans le même article :

À ce moment s’impose pourtant une interrogation: comment est-ce possible qu’un tel mouvement de masse qui, en plus, est en train d’ébranler un gouvernement grec au centre de l’intérêt européen, soit passé sous un silence assourdissant par tous les medias occidentaux? Pendant, ses 12 premiers jours, pratiquement pas un mot, pas une image de ces foules sans précédent hurlant leur colère contre le FMI, la Commission Européenne, la Troïka (FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne) et aussi Mme Merkel et le gotha néolibéral international. Absolument rien.

Sauf de temps en temps, quelques lignes sur « des centaines de manifestants » dans les rues d’Athènes, à l’appel de la CGT grecque. Étrange prédilection pour les manifs squelettiques des bureaucrates syndicaux totalement déconsidérés, au moment même où, à quelques centaines de mètres plus loin, d’énormes foules manifestent jusqu’à très tard après minuit depuis deux semaines…

Il s’agit bel et bien d’une censure aux dimensions inconnues jusqu’à aujourd’hui. D’une censure politique très organisée et méthodique, motivée par le souci de bloquer la contagion de ce mouvement grec, de l’empêcher de faire tache d’huile…

Deux phénomènes différents donc, une révolte populaire, et la censure, tant la première constitue aux yeux des pouvoirs de ce monde une menace à leur hégémonie.

Un universitaire grec influent, Panagiotis Sotiris, résume ainsi l’enjeu de ce soulèvement populaire : « What we are experiencing is history in the making. Let’s hope that the outcome will be the reversal of the policies of neoliberal social destruction and the opening up of the possibility of radical social and political alternatives. »

Le renversement des politiques néolibérales de destruction sociale… Après les génocides et les ethnocides, voici les « sociocides », si je peux me permettre ce néologisme…

Beaucoup moins loin de chez nous que la Grèce, chez nos voisins américains, les mêmes forces destructrices sont à l’œuvre. Pas surprenant lorsqu’on constate qu’au moment même où l’agence de notation de crédit Standard & Poor’s annonçait la décote à CCC de la dette grecque, Bill Gross, le grand patron de PIMCO, une des plus grandes maisons d’investissement au monde faisant affaires dans 11 pays, et particulièrement spécialisée dans les titres obligataires, déclarait ceci : « US is in even worse shape financially than Greece », en évaluant la dette publique totale des États-Unis à environ 100 000 milliards de dollars US, soit environ 6,5 fois son PIB annuel.

À côté de situations financières aussi catastrophiques, celles du Canada et du Québec sont des modèles de vertu. Plus particulièrement au sujet du Québec, La Presse publiait une chronique de Claude Piché qui est particulièrement édifiante, tant elle va à l’encontre des idées reçues et souvent colportées par La Presse elle-même.

Le Québec ne serait pas la « province de quêteux » qu’on lui fait la réputation d’être. Il était temps qu’on s’en rende compte et que La Presse le souligne. C’est pourtant la Même Presse qui publiait en décembre une prétendue « étude » d’un prétendu « éminent spécialiste international » qui prétendait que la situation financière du Québec était comparable à celle de la Grèce. J’avais alors qualifié sur Vigile la publication de cette étude de tentative éhontée de manipulation de l’opinion publique québécoise.

Ça vaut la peine de le répéter : récemment, S&P abaissait la dette grecque au rang d’obligation de pacotille (junk bond) et l’un des plus grands financiers américains disait que la situation des États-Unis est encore pire. Or les obligations du Québec sont cotées AA-. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je n’échangerai pas notre situation avec celle des États-Unis pour tout l’or au monde.

Pourtant, il y a des hurluberlus dans la société québécoise qui voudraient nous voir prendre le même chemin que les plus hurluberlus des Américains, les Éric Duhaime, les gens de l’Institut économique de Montréal, les François Legault, les Joseph Facal, les Lucien Bouchard et autres Lucides illuminés de ce monde !

En Europe, comme l’illustre l’exemple de la Grèce, on censure l’information. Ici, on la manipule. Du pareil au même, pour profiter au même monde.

4 commentaires à cet articleFlux RSS des commentaires

  1. 1 Jean Paul Tellier Le 18 juin 2011 à 3h51

    Le Québec,province de quêteux,c’est un mythe.

    [« S’il est une opinion tenace, abondamment diffusée et partagée au Canada anglais, c’est que le Québec est une province de quêteux.Le Québec ne compte que 23% de la population canadienne, mais retire 55% des paiements de péréquation. Les Québécois se gâtent avec des programmes sociaux inaccessibles aux autres Canadiens.

    Voici que des chiffres que vient tout juste de publier l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) viennent crever la balloune. L’image d’un Québec qui vit aux crochets des autres provinces n’est qu’un mythe qui ne résiste pas à l’analyse.

    Les recettes des administrations provinciales proviennent de deux sources: les revenus autonomes,impôt des particuliers et des sociétés, taxe de vente, taxes spécifiques, redevances, dividendes des sociétés d’État,et les transferts fédéraux,contribution au financement des services sociaux, péréquation.

    Les provinces riches ne reçoivent pas de péréquation.En revanche, toutes les provinces reçoivent de l’argent d’Ottawa pour financer les soins de santé, l’éducation et les programmes sociaux.

    Pour l’exercice 2010-2011,qui a pris fin le 31 mars, les chercheurs de l’ISQ ont comparé, pour chaque province et territoire, la provenance des revenus. Leurs chiffres proviennent donc de sources on ne peut plus officielles,les documents budgétaires du fédéral, des provinces et des territoires, en tenant compte des mises à jour s’il y a lieu.

    Ainsi, le Québec a des revenus budgétaires totaux de 62 milliards . De cette somme, 47 milliards proviennent des revenus autonomes, et 15 milliards des transferts fédéraux,y compris la péréquation. C’est donc dire que 25 pourcent des recettes du gouvernement québécois proviennent d’Ottawa. Or, il se trouve qu’en Ontario, la proportion correspondante est de 22 pourcent.

    Le Québec est donc légèrement plus favorisé que la province voisine, mais l’écart est très largement insuffisant pour permettre aux Ontariens d’accuser les Québécois de vivre à leurs crochets.

    Illustrons ce que signifie cette différence. Si les transferts fédéraux vers l’Ontario atteignaient le même niveau qu’au Québec, Queen’s Park recevrait 3 milliards de plus que nous.Personne ne songe à traiter les Ontariens de quêteux.

    Si les Québécois peuvent se payer plus de services sociaux,ce n’est pas parce qu’ils vivent aux crochets des autres provinces, c’est parce qu’ils paient des impôts plus élevés et qu’ils sont plus endettés.

    Il ne manque pas de provinces où la dépendance à l’égard des fonds fédéraux est beaucoup plus lourde qu’au Québec.

    Les transferts fédéraux représentent pas moins de 36 pourcent des recettes budgétaires des gouvernements manitobain et néo-écossais, 37 pourcent au Nouveau-Brunswick et 43 pourcent à l’Île-du-Prince-Édouard. À Terre-Neuve, cette proportion a déjà dépassé les 50 pourcent, mais les redevances pétrolières ont tout changé. Aujourd’hui, les transferts fédéraux ne représentent plus que 23 pourcent des recettes budgétaires de la province. Quant aux territoires, leur dépendance est presque absolue.Ottawa finance 66 pourcent des revenus du Yukon, 77 pourcent des Territoires du Nord-Ouest et 93 pourcent du Nunavut.

    Qui alors peut encore se plaindre? Sûrement pas les Britanno-Colombiens, où la manne fédérale atteint 8 milliards, ou 20 pourcent des recettes budgétaires, une proportion pas tellement plus basse qu’au Québec.

    Restent l’Alberta et la Saskatchewan, où les redevances sur les ressources naturelles alimentent largement les revenus autonomes. Mais même ces deux provinces riches doivent compter avec les transferts fédéraux, qui comptent pour 15 pourcent des recettes dans les deux cas.

    Mais c’est le portrait d’ensemble, dans le reste du Canada, qui nous fournit le chiffre le plus impressionnant. Nous avons vu que les 15 milliards de transferts fédéraux fournissent 25 pourcent des recettes du gouvernement québécois. Ajoutons maintenant les budgets de toutes les autres administrations provinciales. Cela nous donne des recettes totales de 231 milliards.De ce total, 53 milliards sont des transferts fédéraux. Cela représente 23 pourcent, à peine deux points de pourcentage avec le Québec.

    Les transferts fédéraux totaux,15 milliards originent des impôts et taxes que les québécois versent annuellement au gouvernement du Canada. Ce ne sont pas les sables bitumineux qui nourrissent le budget provincial du Québec.

    Le solde,dépensé par Ottawa, ferait bien l’affaire du pays Québec pour s’autogérer en tout partout.»]

    Source ; Claude Picher,La Presse Affaires,14/6/2011

  2. 2 Jean Paul Tellier Le 18 juin 2011 à 4h14

    La zone euro, voire l’Union européenne, est confrontée à un dilemme.Elle doit choisir entre plus de fédéralisme ou périr. On ne peut pas partager une monnaie unique, un marché unique, sans avoir conçu une union budgétaire, une harmonisation fiscale.Entretemps nos exportateurs peuvent bénéficier de la faiblesse du dollar canadien par rapport à l’euro.

    La merde financière en Grèce,comme dans d’autres pays de l’Union Européenne, s’est accumulée sur plusieurs années.Tout le monde se foutait des signes annonciateurs.

    La montagne de problèmes dans les pays européens démontrent que chacun aurait du rester indépendant au lieu de se fédérer.

    Les grands financiers spéculateurs rêvent de ce retour à l’indépendance des monnaies nationales.

    Pendant ce temps au Canada.
    http://www.cyberpresse.ca/images/bizphotos/924×615/201106/17/341915-18-juin-2011.jpg

  3. 3 Jean Paul Tellier Le 18 juin 2011 à 21h23

    Et ici au Québec,sur le site Vigile.net,le site d’une chapelle d’indépendantistes,son propriétaire privé pratique une grosse censure et il n’a pas la politesse d’expliquer son refus de publication.

  4. 4 Jean Paul Tellier Le 20 juin 2011 à 13h30

    La grande euro-braderie.

    Pendant que la Grèce vacille dangereusement au bord du gouffre financier l’Europe a commencé à se transformer en gigantesque magasin à une piastre.

    Pour éviter la faillite, les pays en crise du Vieux Continent ont accepté de vendre les bijoux de la famille.Des parties ou la totalité de certaines sociétés d’État de la Grèce, de l’Espagne et de l’Irlande, entre autres, seront liquidées pour que ces pays obtiennent une aide financière de l’Union européenne et du FMI (Fonds monétaire international).

    Pour faire fondre sa dette abyssale et les intérêts catastrophiques ajoutés,la Grèce a promis de privatiser ses ports, autoroutes, aéroports et même la loterie nationale. Ce solde d’été intéresse évidemment les Chinois, déjà actionnaires du port du Pirée, mais aussi les fonds souverains des pays émergents et même les riches États européens, comme l’Allemagne.

    Cette triste opération d’urgence, qui vise à renflouer les coffres des gouvernements, risque d’être un échec sur le plan financier. Opportunistes et peu portés à la compassion, les acheteurs n’ont pas l’habitude d’être particulièrement généreux devant des vendeurs à genoux et sans véritable pouvoir de négociation.

    Athènes vient de vendre 10% d’OTE (Hellenic Telecommunications Organization S.A.) au géant allemand Deutsche Telecom (DT), dont la participation dans le groupe grec grimpe ainsi à 40%.La valeur de cette transaction? Tenez-vous bien: 400 millions d’euros, ou moins du tiers du prix payé par «DT» lorsque celui-ci a acquis une part de 30% de l’opérateur grec en 2009. Une vente humiliante.

    Cette transaction illustre les défis qui attendent la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande qui espèrent ainsi amasser plus de 100 milliards de dollars (72 milliards d’euros) dans ce qui constitue la plus grande braderie d’Europe depuis au moins une décennie.

    Dans les îles grecques, outre le secteur des télécoms, vous trouverez un peu de tout:

    – les ports du Pirée et de Salonique attendent vos offres. Celui du Pirée, un des plus importants de la Méditerranée du Sud-Est, a déjà été à moitié concédé au géant chinois Cosco (pour un contrat de 35 ans). Cette fois, l’État grec pourrait privatiser entièrement les deux ports, qu’il contrôle à 75%;

    – Athènes veut aussi vendre 17% du principal producteur grec d’électricité, PPC. Mais il sera difficile de trouver un acheteur sans dérégulation préalable du secteur de l’énergie, puisque les tarifs de l’électricité sont en Grèce parmi les plus bas d’Europe;

    – le groupe de paris sportifs OPAP est aussi à vendre. Et d’autres privatisations sont prévues en 2012 et 2013, notamment l’Aéroport international d’Athènes, quelques ports régionaux et même la banque agricole ATE.

    Le FMI a même suggéré aux Grecs de céder des équipements publics,stades,terres,îles,plages,le Parthénon et autres sites historiques de la Grèce antique.

    La Grèce, dont les dettes totales de 330 milliards d’euros représentent une fois et demie la taille de son économie, a promis de vendre pour 50 milliards d’euros d’actifs, lesquels incluent des participations dans le moribond secteur bancaire du pays.

    Le gouvernement sera chanceux d’amasser la moitié de cette somme avec les privatisations.Aucun investisseur étranger ne viendra y toucher à moins que les prix demandés soient très faibles. La Grèce devra brader,à pas cher, beaucoup plus de ses biens, que ceux prévus, pour obtenir rapidement les fonds qui lui sont nécessaire.

    La population est en colère dans la rue.Elle perdra sa bataille.À moins que son gouvernement décide de se séparer de la fédération de l’euro et retrouve son indépendance et sa monnaie nationale .Pour s’en sortir,la Grèce doit dire non aux privatisations,non à l’union européenne et toutes ses contraintes décisionnelles.De même pour le Portugal l’Espagne,
    l’Irlande.

    Source ; Richard Dupaul,La Presse,20/6/2011

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Article original: Vigile.net - Richard Le Hir

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Profil: Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)

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Cet article de 976 a été rédigé par Richard Le Hir il y a 12 ans et 10 mois, le samedi 18 juin 2011.

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