Le samedi 7 février 2009

QuébecPolitique

Réécrire l’histoire pour rendre les Plaines d’Abraham plus attirantes

Les plaines d’Abraham, un haut lieu de la propagande canadienne dans la Capitale Nationale du Québec

Par RRQ

Dès la fin des années 1990, la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN) se proposait de manipuler l’Histoire afin de servir sa cause fédéraliste. Le Québécois a obtenu des documents par le truchement de la loi d’accès à l’information qui le prouvent.

Il y a quelques semaines de cela, un articulet était publié dans le quotidien La Presse et faisait état d’une chaude lutte menée par le journaliste Denis Lessard pour obtenir des documents reliant très clairement la Commission des champs de bataille nationaux au scandale des commandites. Cet article qui ne fit aucune vague nous laissait quand même croire qu’il devait y avoir pire dans ces documents que ce que Lessard racontait. C’est pourquoi Le Québécois a réclamé des copies des documents en question.

Il faut dire qu’en 2001, avant même que n’éclate le scandale des commandites, Le Québécois publiait un article stipulant que la Commission des champs de bataille nationaux magouillait et semblait agir très vigoureusement afin de défendre l’unité canadienne. Nous ne trouvions alors pas normal que la Commission ait obtenu du ministre des Travaux publics de l’époque, Alfonso Gagliano l’argent nécessaire à la production de centaines de milliers de dépliants qu’ils se proposaient de distribuer aux passants sur les plaines. C’était beaucoup trop! Mais à l’époque, nous n’avions pu en savoir guère plus. Michel Leullier, le secrétaire de la Commission des champs de bataille nationaux, refusait de répondre sérieusement à nos questions.

Nous en savons toutefois beaucoup plus sur cette affaire, aujourd’hui, grâce aux documents que nous avons obtenus et qui avaient été mis sous scellé à l’époque de la Commission Gomery. D’une part, ces documents révèlent que le gouvernement du Canada a accordé des millions de dollars à la Commission des champs de bataille nationaux, par le truchement de Gosselin communications et de Groupaction, afin d’obtenir de la visibilité pour le Canada à Québec. Cela a d’ailleurs été rapporté par Denis Lessard. Mais ce n’est pas là que le bât blesse le plus sévèrement.

Plus intéressant est en effet le contenu de ces documents qui concerne la guerre menée par le Canada contre les séparatistes que ces mêmes fédéralistes disaient voir partout. Ce qui ressort clairement de l’un de ces documents qui est intitulé Visibilité du gouvernement du Canada à Québec (1999), c’est que le Canada avait alors peur des indépendantistes, sous la férule de Lucien Bouchard qu’ils étaient. Dans le document, on disait: “Le PQ s’immisce partout: CLD / Syndicats / Innovatech / Fonds d’investissement”.

Parallèlement, les fédéraux disaient déplorer leur faiblesse dans la Capitale Nationale du Québec. “Le gouvernement du Canada n’a pas d’élu dans la région, donc pas de porte-parole sauf Gilbert Normand de Montmagny”. Ou encore: “Le train du référendum est déjà en marche, en fait depuis le 30 novembre 1998. Il faut s’organiser rapidement”. Les fédéraux étaient tellement ébranlés depuis le 30 octobre 1995 qu’ils craignaient même, en 1999, le bogue de l’an 2000 qui aurait pu, selon eux, être favorable au camp indépendantiste: “Nous sommes à l’aube du changement de millénaire qui peut devenir un prétexte important à de grands changements sociaux”.

Pour corriger la situation, les fédéraux se proposaient de mettre sur pied un important organisme de propagande un organisme apte à contrer le plan souverainiste. Les fédéraux voulaient accorder les mandats suivants à cet organisme:

  • Faire l’analyse des revues de presse et de la recherche d’information pour évaluer l’impact des gestes à poser au Québec et à Québec et préparer le contenu des interventions des élus plus adéquatement; plus stratégiquement, développer une approche sémantique;
  • Établir un calendrier plus régulier des visites des représentants du gouvernement du Canada à Québec;
  • Animer les ministres ou organismes du gouvernement du Canada présents à Québec et faire connaître leur importance et leur valeur ajoutée (journées portes ouvertes, rallye, campagnes publicitaires);
  • Supporter les initiatives des organismes comme le Conseil pour l’unité canadienne, les bureaux des ministres et les ministres et organismes du gouvernement du Canada;
  • Faire des propositions d’investissements dans les propriétés fédérales dans la région de Québec (ex.: Parcs Canada);
  • Identifier et animer le réseau d’alliés (PLQ et autres);
  • Être le gardien de l’intégrité de l’image du gouvernement du Canada dans la région;
  • Faire des recherches et des sondages régulièrement.

Le budget qu’ils se proposaient d’allouer à tout ça? De 850 000 à 1,25 million de dollars.

Dans ce même document, les fédéraux se proposaient également de jouer avec les mots afin de rendre le Canada plus alléchant aux citoyens de la Capitale Nationale et aux Québécois en général. Le meilleur exemple qu’il est possible d’amener pour illustrer la chose est que la Commission des champs de bataille nationaux a, à l’époque, consenti à investir 1,2 million$ dans une opération consistant à réorganiser la Grande Place, sur les plaines d’Abraham, afin de lui coller un nouveau nom: Place du Canada, bien sûr!

“Les plaines ne sont plus uniquement un lot de terre où il fait bon marcher. Le parc est davantage reconnu comme un lieu important de l’histoire canadienne et de plus en plus accessible à tous”, peut-on lire dans lesdits documents. Les fédéraux voulaient bien évidemment en attribuer tous les mérites au véritable propriétaire des lieux, l’État canadien. Les fédéraux ne s’en cachaient même pas et l’écrivaient noir sur blanc dans le document: “Il s’agit donc d’un site bien fréquenté et ce tout au long de l’année. Beaucoup d’événements populaires l’utilisent. Il est donc important de développer, auprès des usagers et des visiteurs, une bonne reconnaissance de l’implication du
gouvernement du Canada”.

Cela pouvait se faire entre autres en plaçant le mot-symbole Canada un peu partout, en augmentant le nombre d’unifoliés dans la région et la dimension de ceux-ci. Il était même écrit que les drapeaux canadiens devraient posséder des mats plus longs, de façon à ce qu’on puisse les voir de plus loin. Même les sites et activités pour enfants devaient être visés. Il est ici question, par exemple, d’un dépliant permettant de faire de l’animation pédagogique à saveur canadienne pour les élèves du primaire et de la maternelle (!). Et dire que le Conseil de la souveraineté eut à subir les foudres de la société bien pensante pour son guide Parlons souveraineté à l’école.

Toute cette opération de propagande a été sciemment conçue. Le fait d’améliorer ainsi les infrastructures des plaines et l’offre adressée à la clientèle devait ainsi permettre d’attirer plus de monde et de vendre par le fait même plus efficacement le Canada. Tout devait être fait pour accroître l’efficacité de la trappe, ni plus ni moins.

Réécrire l’histoire pour mieux vendre le Canada

Avec les festivités entourant le 400e de Québec, on sait déjà tous que les fédéraux sont prêts à réinventer l’histoire pour assurer une pérennité au régime qu’ils administrent et défendent becs et ongles. De telles pratiques ne datent bien évidemment pas d’hier. En fait, dès la fin des années 1990, la Commission des champs de bataille nationaux et le gouvernement canadien voulaient dissimuler des pans de notre histoire pour ne pas nuire à l’unité canadienne.

Dans les documents que nous avons obtenus via la loi d’accès à l’information, les fédéraux se proposaient de mettre l’accent sur autre chose que la guerre de la Conquête. Cela est indiqué très clairement dans les documents:

  • Développer un discours historique global;
  • Mettre en valeur d’autres événements historiques que Wolfe et Montcalm;
  • Positionner des valeurs historiques positives;
  • Utiliser les éléments historiques pouvant contribuer à développer un sentiment d’appartenance au Canada.

Pour ce faire, la direction de la Commission des champs de bataille nationaux a convenu de développer un concept touristique à l’une des tours Martello, sise sur les plaines d’Abraham. Les touristes devaient y être accueillis par de bienveillants soldats britanniques. L’opération avait pour but de les rendre sympathiques. Sachant que les plaines sont visitées annuellement par environ 3,5 millions de personnes, dont seulement 865 000 proviennent de l’extérieur du Québec, on peut comprendre aisément le potentiel propagandiste fédéraliste inhérent à un tel lieu!

Dans leurs opérations de propagande à saveur historique, les dirigeants de la Commission des champs de bataille nationaux se proposaient également d’être vigilants face aux auteurs-historiens, aux éditeurs et communicateurs touristiques. Les fédéraux voulaient bien sûr s’assurer qu’ils diffusent la vraie bonne histoire, c’est-à-dire la leur, celle qui chante la gloire du Grand Canada. La Commission souhaitait également intervenir auprès des enseignants en histoire afin qu’ils ne racontent pas de sornettes aux enfants, comme par exemple l’idée Ô combien saugrenue que les Anglais eussent pu jadis voler le pays du Québec aux Français et aux Canadiens, ces Québécois en devenir.

De la belle propagande, quoi!

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Patrick Bourgeois, Journal Le Québécois, Volume 8, Numéro 3, Pages 10-11

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Cet article de 1,352 a été rédigé par Réseau de Résistance du Québécois il y a 15 ans et 2 mois, le samedi 7 février 2009.

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