Le jeudi 7 mars 2013

PolitiqueQuébec

Le Québec manque de rigueur et de courage

L'État québécois ne pourra jamais faire comme la Suède s'il ne devient pas un pays

Par Sylvain

Ça manque trop souvent de rigueur intellectuelle et de réflexion poussée dans les médias au Québec, particulièrement à la Presse. Pas étonnant que le Québec stagne. On peut encore le constater ce matin en lisant l’article «Les secrets du succès scandinave» de Francis Vailles.

En voyant le titre de l’article «Les secrets du succès scandinave1», article du journaliste Francis Vailles à La Presse, je me suis empressé de le lire puisque je vis en Suède, en Scandinavie, depuis 2007. Puis je me suis aussi empressé de trouver l’article du The Economist.

Francis Vailles rapporte les grandes lignes d’un reportage étoffé dans la prestigieuse revue anglaise The Economist. Il ne donne pas le lien, mais il fait sans doute référence à ce reportage, soit «Special report: The Nordic countries2».

Je vous invite à lire le reportage publié dans The Economist si vous êtes des partisans de la rigueur. Bien sûr, M. Vailles a voulu faire un sommaire de ce qu’il a lu dans le reportage et le mettre bêtement en parallèle avec le modèle québécois. C’est une belle tentative et par moment on a l’impression qu’il réussit.

Premièrement, même si c’est un truisme, il aurait fallu rappeler très clairement que le Québec est une province, tandis que la Suède est un pays. Il avait l’occasion de le faire en début ou en fin d’article. On ne peut pas comparer des pommes avec des oranges.

Puis, on constate rapidement que M. Vailles a choisi ce qui lui plaisait  Par exemple, il informe le lecteur que la Suède a un ticket modérateur en santé, mais il ne mentionne pas que l’éducation est «gratuite» de la maternelle au doctorat, pas plus qu’il ne mentionne que toutes et tous, peu importe les revenus des parents et même des conjoints,  ont accès aux prêts et bourses.

Il aurait même pu faire une petite recherche et s’apercevoir que les étudiants peuvent même choisir de seulement prendre la portion bourse. Il aurait aussi trouvé que même en profitant de prêts et de bourses, un étudiant peut gagner plus de 10 000$ par année.

Vous me direz, «mais il ne parlait pas de l’éducation». D’accord, mais il parlait du modèle en suède. Les chroniqueurs automobile, lorsqu’ils présentent un modèle de voiture, normalement, ils parlent de tout, pas juste de ce qui fait leur bonheur. Bref, je peux vous dire que le ticket modérateur est, par expérience, d’environ 12$ par visite chez le médecin, si vous vouliez le savoir. 

M. Vailles écrit aussi:

Plusieurs taxes (sur le capital, les biens, l’héritage) ont aussi été coupées et, surprise, l’impôt sur les profits des entreprises est maintenant moins élevé en Suède qu’au Québec (22% contre 26,9%). En contrepartie, ils ont fortement haussé certaines taxes à la consommation.

En effet, c’est juste. Heureusement qu’il n’a pas oublié d’écrire qu’en «contrepartie, ils ont fortement haussé certaines taxes à la consommation.» Je peux faire la part des choses, je sais bien que M. Vailles ne pouvait pas tout inclure dans son texte, sauf que si le Québec veut suivre le modèle suédois, innover, faire preuve de pragmatisme, M. Vailles aurait dû aussi dire que sans être un pays, c’est impossible. Surprise, le Québec est une province!

Comment le Québec pourrait-il avoir le contrôle sur les taxes à la consommation et sur les impôts alors qu’Ottawa décide de la moitié? Ça aurait été intéressant si M. Vailles avait pu en venir à une réflexion un peu plus poussée.

M. Vailles rapporte que la Suède a changé son système de retraite. C’est vrai, et une chance! Mais comment le Québec peut-il faire ça, c’est une province qui a un pied dans le béton d’Ottawa? Et puis, une bonne partie des babyboomers au Québec applaudissent l’indexation des frais de scolarité et maudissaient les étudiants qui étaient dans la rue pour du changement au printemps dernier, mais ces mêmes babyboomers accepteraient-ils la même réforme qu’en Suède ou bien se contenteront-ils de faire taire la jeunesse grâce à leur poids démographique et s’assurer de la stagnation jusqu’à la tombe? (Message à François Legault: vous vous êtes planté en mettant le projet de pays de côté et le temps va me donner raison. Vous auriez justement dû regarder le nouveau modèle scandinave et faire la promotion de l’indépendance).

Sachez que la gratuité scolaire et le système de prêts et bourses en Suède est pratiquement au centre du modèle suédois. Par exemple, comme l’accès est réellement universel et sans contrainte, les personnes qui se retrouvent aux chômage peuvent choisir facilement de retourner faire une formation académique s’ils jugent qu’ils ne sont plus à jour pour le marché du travail actuel.

De plus, imaginez, quelqu’un qui est sur l’aide sociale, à moins de souffrir de problèmes de santé physiques ou intellectuels, peut du jour au lendemain retourner s’instruire. Ainsi, l’innovation en Suède vient aussi du fait que personne n’est laissé de côté.

M. Vailles fait remarquer qu’au Québec, et avec raison, contrairement aux pays scandinaves, «les citoyens sont de plus en plus méfiants envers leurs pairs et leurs institutions; une commission d’enquête fait rage.»

Il aurait été intéressant de rajouter que, selon ce qu’on a vu et entendu, la majorité des «crosseurs» au Québec, du scandale des commandites à la corruption à Montréal, et ça s’en vient, on va le voir au niveau de l’État québécois, sont des fédéralistes et des arrivistes, ceux qui veulent garder le statu quo, celui d’un Québec province dans le Canada. En Suède, par exemple, personne se bat pour angliciser Stockholm ou encore pour s’unir à la Russie. Et pour la corruption, je peux vous assurer qu’on ne se paie pas la gueule de la population comme on le voit au Québec.

M. Vailles termine son article ainsi:

Le Québec devra bouger s’il veut aspirer à un style de vie à la scandinave. Les nécessaires changements exigeront des sacrifices de tous, autant des particuliers que des syndicats, des entreprises et des gouvernements. Et il faudra mettre un verbe clé à son agenda: innover.

Il peut rêver, mais tant que le Québec ne sera pas un pays, ça n’arrivera pas. L’État québécois ne pourra jamais faire comme la Suède s’il n’a pas 100% des pouvoirs.

Et maintenant?

Si les Québécois ne se réveillent pas, vous allez voir plutôt un Parti québécois, un Parti libéral ou une Coalition avenir Québec tenter de mettre le Québec au niveau du modèle canadien, ce qui ressemblera à du changement. La plus belle preuve, prenez les coupures à l’aide sociale de la ministre Maltais et l’indexation des frais de scolarité de Pauline Marois. Aucune vision, aucun courage de faire du vrai changement. Ou encore, ce rapprochement factice avec la communauté anglophone avec le financement de «Notre Home» de Jean-François Lisée. On est loin du modèle scandinave et de l’innovation.

Au Québec, en ce moment, il n’y a pas de courage et de rigueur. Depuis 1995, le Québec est mort-vivant. Enfin, il y a un peu d’espoir. Si ça n’avait été de Jean-Martin Aussant et de la création d’Option nationale, vous ne liriez pas cet article aujourd’hui, car j’aurais déjà fermé le livre de mon histoire avec le Québec. Je vous souhaite un pays et, M. Vailles a raison, idéalement sur le modèle scandinave.

  1. Les secrets du succès scandinave []
  2. Special report: The Nordic countries []

2 commentaires à cet articleFlux RSS des commentaires

  1. 1 Un peuple, un projet, une démarche - Le Globe Le 7 août 2013 à 14h15

    […] Et, finalement, ayant vécu assez longtemps en Scandinavie moi-même, il m’a toujours paru évident que le Québec a tout ce qu’il faut pour devenir un pays de la même trempe. […]

  2. 2 Un peuple, un projet, une démarche | Politicoglobe Le 22 août 2013 à 9h25

    […] Et, finalement, ayant vécu assez longtemps en Scandinavie moi-même, il m’a toujours paru évident que le Québec a tout ce qu’il faut pour devenir un pays de la même trempe. […]

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Cet article de 1,134 a été rédigé par Sylvain il y a 11 ans et 0 mois, le jeudi 7 mars 2013.

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