Le vendredi 2 mars 2012

QuébecSociété

Manifestation pacifique à Québec: gaz lacrymogène pour tous!

Les étudiants militant pour l'accessibilité à l'éducation méritaient-ils de se faire gazer?

Par AmériQuébec

Ça sentait la fin de régime hier devant l’Assemblée Nationale. Que vous soyez un étudiant manifestant festivement avec vos enfants, un député, un journaliste ou un caméraman, l’État policier gouverné par Jean Charest n’a pas fait de distinction: vous méritiez tous d’être gazés! Récapitulation d’une journée qui était pourtant bien commencée.

Alors que la ministre Line Beauchamp restait de marbre et demandait aux étudiants de manifester pacifiquement, sa police politique a décidé que ça devait se passer autrement. Peut-être que madame la ministre devrait aussi demander à ses anti-émeutes de réagir uniquement en cas d’émeute?

La manifestation avait pourtant débuté sous le signe de la bonne humeur. Des milliers d’étudiants — plus ou moins 5000 selon différentes sources — s’étaient donnés rendez-vous à Québec afin de manifester contre la hausse drastique des frais de scolarité imposée par le gouvernement néo-libéral de Jean Charest. Venus des quatre coins du Québec, les étudiants se sont donnés comme point de départ le parc des Braves sur le chemin Ste-Foy. Ils ont donc occupés le parc, et un petit tronçon du Chemin Sainte-Foy, ce qui a eu pour effet de faire rager quelques automobilistes, qui carburaient sans doute un peu à la Radio X et à la haine de ne pouvoir arriver à temps à la maison pour continuer d’écouter leur radio dans le confort de leur foyer. Après tout, personne n’aime être pris dans le trafic, surtout quand on est soi-même le trafic.

Manifestation passant par la Rue Cartier
Des milliers de manifestants sur la rue Cartier

Une manifestation pacifique et festive

Une fois la majorité des étudiants arrivés, ceux-ci se sont déplacés, sourire aux lèvres, vers l’Avenue Belvédère, puis le Boulevard René-Lévesque, en continuant de chambouler le quotidien de ceux qui n’acceptent que des manifestants de la Marche Bleue pour le retour des Nordiques dans leurs rues. Il faut dire que la Ville de Québec est parfois difficile à mobiliser et que la solidarité y est morcelée par d’autres grands débats de société, tels que l’accessibilité à l’amphithéâtre avant l’accessibilité aux études. Et surtout, ne bloquez pas notre pont! Bien sûr, plusieurs piétons et automobilistes ont aussi heureusement signifié leur support aux manifestants. On pourrait même préciser que la majorité n’était pas particulièrement troublée par le mouvement étudiant, saisissant l’importance d’une accessibilité à l’éducation. Tous ne sont donc pas motivés par l’unique devise “Du pain et des jeux”.

Après un court détour sur Cartier et la Grande Allée, les milliers de manifestants ont convergé vers le Parlement, où une délégation d’une centaine d’étudiants les attendait. Jusqu’à ce moment, tout se déroulait rondement. C’est par la suite que les choses se sont gâtées inutilement.

"Bloquons la hausse" devant l'Assemblée Nationale
Exercice artistique des étudiants: “Bloquons la hausse” devant l’Assemblée Nationale

Ceux qui ont l’habitude de passer devant le Parlement de notre nation ont l’habitude de voir le bâtiment encerclé de barricades et de clôtures. En effet, en temps de contestations, soit durant au moins la moitié de l’année, l’Assemblée Nationale est “protégée” par des barricades, chose que l’on s’attend surtout à voir dans les pays les plus totalitaires et oligarchistes. Devant cet état de fait, quelques étudiants, une centaine tout au plus, on décidé d’enjamber les clôtures afin de s’approcher un peu plus du Parlement et de se faire mieux entendre.

Tout cela s’est quand même produit dans le calme. Des députés de l’opposition sont même venus assister à la manifestation, mais en étant du “mauvais côté” de la clôture, et plusieurs journalistes ainsi que leurs caméramans ont aussi décidé de la traverser, question d’avoir de meilleures images et de mieux rapporter l’événement.

L’escouade anti-émeute est venue donner le ton à la manifestation

Après une vingtaine de minutes, les étudiants étaient peut-être plus ou moins 200 à avoir franchi les barricades, et à manifester bruyamment, mais toujours pacifiquement. Plusieurs dansaient ou jouaient de la musique, et l’ambiance était festive. Mais entre-temps, les policiers anti-émeutes, plus d’une cinquantaine, sont sortis du Parlement, équipés de boucliers, de matraques et de masques à gaz. Cela ne laissait que bien peu de place à l’imagination pour présager de la suite des choses. On ne sort pas les masques pour respirer de l’air pur.

L'anti-émeute devant le parlement
L’anti-émeute débarque

Puis, la clôture, à force d’être mise à l’épreuve, a éventuellement fini par céder, ce qui permit à un certain nombre de manifestants de s’approcher un peu plus du parlement, encore une fois sans violence. Il est difficile de croire que c’est ce qui a poussé les policiers à changer de stratégie, puisque de très longues minutes se sont passées avant qu’ils décident de bombarder la foule de gaz lacrymogène.

C’est là que les choses se sont gâtées. L’anti-émeute, qui devrait normalement agir en temps d’émeutes, a décidé qu’il valait mieux y mettre toute la gomme et aura lancé près d’une vingtaine de bombes lacrymogènes, afin de dissiper les manifestants. Cela aura eu un effet somme toute négligeable, puisque le vent était tellement fort que toute la fumée était automatiquement redirigée vers les policiers eux-mêmes, de même qu’un député péquiste, M. Denis Trottier, et des journalistes et leurs caméramans.

Abus des gaz lacrymogènes?

Devant l’inefficacité de leur stratégie qui était tout à fait inutile puisqu’il n’y avait pas de débordement et que les policiers étaient trop nombreux pour qu’il se passe quoi que ce soit, l’un d’entre eux eu un éclair de génie. Dramatisation de ce qui se passe dans la tête de notre prix nobel de l’épais la paix : “Hum, je lance des bombes et toute la fumée me revient au visage. Je crois que je devrais lancer une grenade en plein milieu de la foule pacifique qui n’a pas traversé la clôture. En lançant une grenade lacrymogène dans une foule où on retrouve des étudiants venus manifester avec leurs jeunes enfants et leurs poussettes, la cible est bonne et l’effet est assuré”.

Et ce qui devait arriver arriva: un agent anti-émeute a lancé une grenade lacrymogène vers ceux qui manifestaient en toute légalité et sans violence, et où on retrouvait des jeunes mères de famille venues manifester avec leurs enfants pour leur droit futur à l’éducation. S’il y avait eu un prix à gagner pour l’usage la plus inutile et irréfléchie d’usage de la force ce jour là, nos élites policières auraient gagné la palme d’or.

L'Assemblée Nationale du Québec occupée par la police
L’Assemblée Nationale du Québec occupée par la police

Après avoir hué les policiers, la foule s’est rapidement dissipée, car nul besoin de vous rappeler qu’être poivré inutilement, ça brule. Le gros de la manifestation s’est donc terminé quelques minutes plus tard, la plupart des étudiants devant de toute façon retourner vers les autobus afin de rentrer dans leurs régions respectives.

Au terme de cette manifestation, il restait une trentaine de manifestants qui jouaient de la musique et chantaient. Mais il restait surtout un goût amer chez plusieurs d’entre eux qui sont rentrés à la maison après avoir été victime de gaz lacrymogène alors qu’ils manifestaient en toute légalité. Et dire que tout ce monde ne luttait que pour davantage de justice sociale et une plus grande accessibilité à l’éducation, accessibilité qui sera restreinte (volontairement?) par Jean Charest et ses ministres…

La question que l’on se pose tous au lendemain de cette journée: était-il absolument nécessaire de gazer des manifestants pacifiques? Comment la ministre Beauchamp peut-elle continuer d’affirmer légitimement que la hausse abusive des frais de scolarité est “juste” et “responsable” après avoir cautionné un tel abus policier? Heureusement, madame la ministre peut se targuer d’avoir l’appui des radios-poubelles de Québec et de ceux qui lèvent leur poing avec violence dans leurs voitures!

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Cet article de 1,176 a été rédigé par AmériQuébec il y a 12 ans et 1 mois, le vendredi 2 mars 2012.

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