Le jeudi 15 avril 2010

QuébecSociété

Décès de Michel Chartrand

La disparition d’un résistant exemplaire

Par RRQ

De son enfance jusqu’à l’âge vénérable qu’il avait atteint au moment de son décès, Michel Chartrand a toujours su faire la preuve qu’il était d’abord et avant tout un homme de cœur. Un militant s’investissant aussi authentiquement en faveur du bien collectif québécois nous manquera énormément.

Dans leur histoire, les peuples n’en voient passer que quelques-uns. La rareté des citoyens-militants qui, jamais, jamais, jamais ne dévient de leur voie, qui jamais ne mettent de côté leurs convictions ou la cause en échange d’une liasse de billets fait qu’ils sont si précieux. Le Québec contemporain en a vus passer quelques-uns. Pierre Falardeau en était un. Michel Chartrand aussi. Les deux viennent de nous quitter, laissant le Québec politique plus orphelin que jamais.

En tant que Québécois, nous vivons en Amérique du Nord, un environnement éminemment individualiste. La plupart des gens d’ici évoluent d’abord et avant tout en fonction d’eux-mêmes. Et c’est correct. C’est un choix de vie qui se défend tout à fait. Mais ce ne sont pas les individualistes qui font progresser les démocraties. Ce sont les citoyens engagés, les irréductibles, ceux qui construisent leur vie en fonction d’intérêts collectifs d’abord et avant tout, ceux qui font passer les autres avant eux-mêmes. Comme Michel Chartrand l’a fait, d’où l’héritage unique et très important qu’il nous lègue, à nous les humains de ce coin-ci du monde.

De son enfance jusqu’à l’âge vénérable qu’il avait atteint au moment de son décès, Michel Chartrand a toujours su faire la preuve qu’il était d’abord et avant tout un homme de cœur, un citoyen prêt à sacrifier la douceur d’une vie carburant essentiellement au matérialisme pour s’investir pleinement dans la défense des plus petits, des laissés pour compte, des malmenés du capitalisme. Il l’a fait avec fougue, vigueur et parfois aussi avec la colère dans le cœur.

Michel Chartrand disait régulièrement que l’humain est un animal social et que ce n’est qu’en collectivité, qu’en société, qu’il peut être heureux. Et il avait bien raison. Mais pour être heureux en société, il faut la ménager afin qu’elle évolue dans le sens du bien commun et non seulement dans le sens des intérêts des mieux nantis. Parce qu’il avait compris cela mieux que quiconque, Michel Chartrand n’aurait pas pu devenir autre chose qu’un militant d’une efficacité redoutable, qu’un « malcommode exemplaire » comme l’avait rebaptisé fort intelligemment Pierre Vadeboncoeur, lui aussi récemment disparu.

Certains ont régulièrement reproché à ce militant exemplaire sa verve qui laissait clairement entendre du côté de qui il se rangeait, c’est-à-dire celui des travailleurs et des prolétaires, mais aussi de tout ce Québec composé de gens dits ordinaires. Ces « bien élevés » n’avaient pas compris une chose élémentaire : Michel Chartrand transpirait l’authenticité. Les Québécois savaient que ce qu’il disait c’était toujours ce qu’il pensait. Et c’est pourquoi ils l’ont tant aimé.

Et depuis son décès, c’est reparti de plus belle. Les hommages que l’on entend depuis quelques heures à la télévision nous laissent entendre des individus qui nous disent : « je l’aimais bien, malgré ses excès ». Quels excès !? Le type dénonçait et luttait à peu près seul contre l’oppression et l’exploitation et on aurait voulu qu’il le fasse en plus de manière polie!? C’est beaucoup en demander à ce représentant parmi les plus sincères d’un peuple qui en a enduré beaucoup au cours de son histoire.

Tous ces hommages de circonstance qu’on entend un peu trop depuis ce matin me rappellent un discours célèbre prononcé au congrès du PQ en 1971 par l’extraordinaire tribun que fut Pierre Bourgault. Celui-ci s’était alors porté à la défense de Michel Chartrand qui sortait tout juste de prison, à cause de Trudeau et de son inique loi des mesures de guerre. À l’intention des péquistes qui, tout comme bien des syndicalistes d’ailleurs, avaient fini par tourner le dos au bonhomme qui faisait trembler le Canada à peu près à lui seul, Bourgault avait dit être tanné d’entendre le fameux : « Michel Chartrand, je l’aime bien oui, mais… ». « Ce oui mais me rend malade, moi, et je crois qu’on en a assez », avait ajouté Bourgault qui plaidait de cette façon-là en faveur de la solidarité indépendantiste envers tous les éléments du mouvement, ce qui comprenait bien sûr le patriote Chartrand.

Face à tout ce Québec petit et bien pensant, il y avait au moins deux hommes debout qui se serraient les coudes. Peut-on en dire autant du Québec d’aujourd’hui ? Sûrement pas.

Dans le monde aseptisé et marqué au fer rouge par le politiquement correct dans lequel nous vivons actuellement, on aurait besoin du renfort d’au moins une délégation complète de Michel Chartrand, question de brasser enfin la cabane et de donner de bons coups de pied dans les niques à poux.

Mais non, aucun ne pointe à l’horizon. Et nos politiciens actuels ont tout le loisir d’enterrer, le sourire en coin, l’indépendance à laquelle tenait tant Michel Chartand, ou de nous faire croire qu’une commission d’enquête sur la corruption n’est absolument pas nécessaire. Michel Chartrand avait dit comprendre la colère des jeunes gens qui se sont investis dans le FLQ. Gageons qu’il aurait beaucoup plus de mal à comprendre notre tolérance actuelle face aux manigances du gouvernement, face aux vols, aux turpitudes que commettent les pseudo élites qui prétendent parler au nom du peuple. Le « human interest » le faisait chier ; mais beaucoup moins que les briseurs de bonheurs collectifs !

Un militant s’investissant aussi authentiquement en faveur du bien collectif québécois nous manquera énormément. Mais ce dont on s’ennuiera le plus, c’est de ce Michel Chartrand sans peur et sans reproche. Chartrand semblait incapable de ressentir la peur, ce qui est encore plus rare qu’un citoyen-militant pleinement engagé. Il faisait face à tout, tout le temps. Le système a tenté de le briser d’une multitude de façons. Jamais il n’y est parvenu. Chartand est demeuré droit comme un chêne, faisant face à toutes les tempêtes. Il était décidemment un façonneur de mondes nouveaux, une espèce qui ne compte malheureusement jamais plus de quelques individus.

3 commentaires à cet articleFlux RSS des commentaires

  1. 1 Robert Le 16 avril 2010 à 19h40

    Bravo pour ce bel article

  2. 2 daniel Le 17 avril 2010 à 4h06

    Je suis français et j’ai rencontré une fois en 1973, Michel Chartrand lors d’un conseil des syndicats de Montréal, ou j’étais venu parler de la grève ( célèbre alors en France de Lip).
    J’ai gardé un souvenir ému et amusé de la manière dont il présidait les travaux de ce conseil, et j’ai souvent évoqué cette anecdote en France dans divers lieux.
    Vous aviez un grand syndicaliste et je me joins à vous pour célébrer sa mémoire et faire part à sa famille de mes amitiés.

  3. 3 Ali Dahan, Ph.D. Ex-Diplomate, apolitique Le 17 avril 2010 à 10h25

    MESSAGE DE CONDOLÉANCES ET SOUHAIT D’UN JOUR DE DEUIL NATIONAL À L’OCCASION DU DÉCÈS DE FEU MICHEL CHARTRAND, UNE ICÔNE, UN HOMME JUSTE ET UN GRAND HUMANISTE ET SUGGESTION D’ÉRIGER UN MONUMENT EN HOMMAGE À SA MÉMOIRE.
    (Voir ci-joint communiqué du vendredi, 16 avril 2010, Honte au Premier Ministre , Jean Charest pour son argument simplet pour ne pas décréter un jour de deuil national suite au décès de feu Michel Chartrand)

    C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de feu Michel Chartrand, lundi, le 12 avril 2010. Pour moi, il était un grand homme, une figure emblématique du mouvement syndical, une icône du patriotisme Québécois de la première heure et profondément voué à la justice sociale et aux causes des peuples opprimés des pays en développement en général et à celle de la Nation Palestinienne en particulier. Il était apprécié, aussi bien au Québec, au Canada qu’à l’extérieur du pays.

    Connu pour sa générosité légendaire, il était le frère des pauvres. Pour lui, il n’existait pas de différences de couleurs, de races… Il était surtout connu comme celui qui avait la détermination et la rage de débarrasser nos institutions gouvernementales d’habitudes malsaines, ce qui a fait de lui un adversaire redoutable pour ceux qui oppriment les pauvres et qui s’enrichissent aux dépens des Québécois.

    Contrairement à certains de nos politicards au fédéral, au national et au municipal, M. Chartrand a compris dès ses premières interventions politiques qu’un vrai patriote devait servir le Peuple et non se servir de lui.

    Il faut que l’Histoire Québécoise se souvienne de ce grand homme, unique en son genre, je souhaite qu’on érige un monument en hommage à sa mémoire.

    Les dirigeants des 4 partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale sont entrain de se battre pour le pouvoir et oublient ainsi les vrais enjeux des Québécois: lutter contre la pauvreté et l’exclusion; améliorer le statut des travailleurs ; contrer l’augmentation des taxes et les frais de scolarité et plutôt élargir le système d’éducation au plus grand nombre possible d’étudiants ; éviter un système à deux, voire à trois vitesses ; respecter sécuriser et rendre accessible les soins aux personnes âgées ; protéger l’environnement… Il aurait été plutôt souhaitable que le gouvernement Charest décrète une journée de deuil national afin d’honorer la mémoire de cet homme hors du commun.

    Quant à Stephen Harper, Premier Ministre du gouvernement d’extrême droite du Canada il a annoncé un jour de deuil national, suite au décès du président polonais Lech Kaczynski, le jeudi, 15 avril 2010. Il aurait été plus juste qu’il décrète aussi un jour de deuil national, samedi, le 17 avril 2010 à l’occasion des funérailles de celui qui a marqué l’Histoire du Canada et du Québec, feu Michel Chartrand.

    BÂTIR ENSEMBLE UNE NATION QUÉBÉCOISE PLUS JUSTE, PLUS ÉQUITABLE ET PLUS INCLUSIVE

    Très tôt, le grand patriote Michel Chartrand a compris que LE SILENCE DEVANT L’INJUSTICE EST UN CRIME et dénonçait les politicards qui veulent faire du Québec une ethnocratie dictatoriale qui mise sur les rivalités interethniques et interreligieuses
    afin d’accéder ou de se maintenir au pouvoir… Pas étonnant que ses plus grands calomniateurs et détracteurs se trouvaient toujours parmi les oppresseurs qui bafouent les droits élémentaires des travailleurs québécois et les béni-oui-oui. Québec a perdu aujourd’hui un de ses éminents patriotes de la première heure qui s’est engagé dès le début de 1940 dans la lutte pour l’émancipation des Québécois. Il faudra garder surtout en mémoire qu’il a démontré un grand exemple de courage et de persévérance lorsqu’il n’a pas hésité un seul instant de réclamer, haut e t fort, en 1941, aux autorités canadiennes, le respect de sa langue maternelle, le français.

    En tant que citoyen canadien, natif de Djibouti, issu d’une minorité ethnique et qui habite la capitale nationale Québec, depuis presque deux décennies, je trouve scandaleux et immonde que certains de nos politicards avides de pouvoir, veulent aujourd’hui phagocyter la charte des droits et liberté du Québec qui était la fierté de tous les Québécois, ici et ailleurs dans le monde en la transformant en une charte qui s’applique uniquement à certains « aryens » et à certaines « ethnies » ! Donc, pas étonnant de voir que ces représentants du peuples sont là pour se servir du peuple et non pas pour le servir.

    Pour ma part, je crois qu’à l’aube de ce 3e millénaire, le Québec a besoin de dirigeants qui savent écouter, partager les visions de toute la population et être juste envers tous les citoyens issus de toutes les origines et confessions comme l’a été feu Michel Chartrand. On ne peut pas bâtir une nation en piétinant sur les droits les plus élémentaires de ses autochtones et en opprimant ceux qui sont issus des minorités ethniques et religieuses.

    En ces moments difficiles, c’est avec une grande émotion que je présente mes plus sincères condoléances et mes profondes sympathies à sa conjointe, à ses enfants, à ses petits enfants et ainsi qu’à ses arrière-petits-enfants.

    Je suis certain que de là-haut, il veillera sur notre Nation Québécoise et qu’il intercédera pour faire rayonner le Québec comme il l’a toujours fait dans sa vie. Que Dieu l’accueille dans son paradis éternel.

    Merci M. Chartrand pour tout ce que vous avez fait pour le Peuple Québécois ! Merci pour l’exemple de courage et de ténacité envers la classe ouvrière québécoise et les sans-voix ! Merci pour votre droiture, votre intégrité et votre patriotisme !

    Ali Dahan,Ph.D. , Ex-Diplomate, apolitique
    Pacifiste mais jamais passif face à l’injustice

    947, rue de Bar-Le-Duc Québec, G1W 2N8
    Portable: 418-262 2504 Tél. et Fax: 418- 658-9244

    Québec, vendredi, le 16 avril 2010

    COMMUNIQUÉ

    HONTE AU PREMIER MINISTRE, JEAN CHAREST
    POUR SON ARGUMENT SIMPLET POUR NE PAS DÉCRÉTER
    UN JOUR DE DEUIL NATIONAL
    SUITE AU DÉCÈS DE FEU MICHEL CHARTRAND

    Cette après-midi, 16 avril 2010, je me suis rendu à Longueil, au salon funéraire où était exposé Michel Chartrand pour lui rendre un dernier hommage. J’ai appris d’une source digne de foi que notre Premier Ministre a eu le culot d’affirmer qu’il ne décrètera pas un jour de deuil national, ni le samedi, 17 avril 2010, jour des funérailles de Michel Chartrand, ni à une date ultérieure.

    M. Charest prétend qu’il ne peut pas décréter un jour de deuil national parce que la famille Chartrand n’en a pas fait la demande.

    Je trouve que cet argument ne tient pas la route et est bien simplet. On se demande alors si M. Charest voulait que la famille quémande cet hommage pour décréter un jour de deuil national !

    Je trouve que c’est un devoir et même une obligation pour le Premier Ministre de décréter un jour de deuil national pour ce grand fils du Québec que fut feu Michel Chartrand. Pire encore, pour éclipser la journée des funérailles, samedi, le 17 avril 2010, dédiée à la mémoire du grand patriote Michel Chartrand, notre Premier Ministre Jean Charest a non simplement choisi de ne pas participer aux funérailles mais se contente d’envoyer deux de ses ministres. Il a choisi en cette journée mémorable de convoquer une rencontre des dirigeants de son parti, le PLQ pour commémorer la mort d’un de ses dirigeants !

    Que M. Charest arrête de jouer à ce jeu mesquin d’infliger à cette noble famille endeuillée une peine supplémentaire.

    En conséquence, je demande au nom de ceux qui croyaient à ce grand combattant de la justice sociale et de la liberté des Peuples que le Premier Ministre décrète un jour de deuil national, samedi, le 16 avril 2010 ou ultérieurement (Voir ci-joint mon message de condoléances , paragraphe 5) et qu’il s’engage à ériger un monument en sa mémoire
    (idem, paragraphe 4).

    Ali Dahan, Ph.D. Ex-Diplomate, apolitique
    Pacifiste mais jamais passif face à l’injustice

    947, rue de Bar-Le-Duc Québec, G1W 2N8
    Portable: 418-262-2504 Tél. et Fax. : 418-658-9244

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Cet article de 956 a été rédigé par Réseau de Résistance du Québécois il y a 13 ans et 11 mois, le jeudi 15 avril 2010.

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