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Des bonis de 8,3 milliards de dollars pour les banquiers canadiens

Le quotidien des grévistes du Journal de Montréal a diffusé fin décembre la nouvelle selon laquelle les dirigeants et gestionnaires des banques canadiennes recevront cette année une somme de 8,3 milliards de dollars sous forme de bonis. Cette somme que se versent les banquiers constitue une hausse de 18% sur celle qui avait été versée en 2008, et supérieure de 4% aux 8,04 milliards milliards versés en 2007.

Selon le Globe & Mail, qui dévoile ces chiffres, c’est la Banque Royale qui versera la somme la plus substantielle, soit 3,56 milliards de dollars, en hausse de 32% sur l’an dernier. À la Banque Nationale, ce sera un total de 535 millions, contre 484 millions de dollars l’an dernier. Les données ont été tirées des rapports financiers publiés ces jours derniers par les six plus grandes banques du pays, à l’occasion de la divulgation de leurs résultats de fin d’année. Pour l’exercice financier 2009, qui se terminait le 31 octobre, les 6 grandes banques canadiennes (j’exclue la Laurentienne) ont engrangé des profits totaux nets de 14,5 milliards de dollars. C’est donc tout près de 60% des profits qui sont détournés vers les poches profondes d’une minorité de super-riches dont le seul mérite est… non, excusez-moi, j’ai beau chercher, je ne trouve aucun mérite à ces gens-là.

C’est vrai que le Canada fait bande à part dans le secteur financier. Alors que partout ailleurs, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis, on est davantage en mode coupure, tant dans les emplois du secteur financier que dans les compensations aux employés des banques, le Canada s’en tire bien. C’est vrai que les institutions canadiennes sont en bien meilleure santé financière que leurs consœurs ailleurs dans le monde. Mais c’est faux de dire qu’elles n’ont pas été aidées.

Des centaines de milliards de dollars ont été injectés dans les banques et les taux d’intérêt (prix du financement des banques) est à un plancher historique. Mais plus encore, c’est la gouvernance étatique canadienne (c’est-à-dire un protectionnisme fort et un pouvoir oligopolistique accordée aux banques à propriété canadienne) qui est responsable de la santé financière du secteur : contrairement aux Etats-Unis où la concurrence est féroce, l’oligopole des banques canadiennes leur permet d’engranger une rente formidable sans prendre de risque indu.

Et les banques en profitent grassement. En soi, cette rente oligopolistique serait considérée par un Américain moyen comme un vol pratiqué par un cartel, et à ce titre vivement combattue. Plus prosaïque, les canadiens comprennent que c’est un prix à payer pour assurer une stabilité qui s’est d’ailleurs confirmé l’an dernier. Mais ce qui dépasse les limites de la justice et de la décence, c’est que ces banquiers profitent de cette rente pour se remplir les poches. Ce n’est rien de moins qu’un vol éhonté du bien public.

On n’a pas à chercher plus loin, il est là le modèle du bandit à cravate qui, en toute impunité, s’approprie un bien public (dans ce cas une rente d’oligopole) pour ses intérêts personnels. D’autres, moins bien placé dans le cénacle des grands de ce monde, mais inspirés par eux, cherchent aussi à en accaparer une part, en violant les lois.

L’Europe a décidé de sévir contre ces abuseurs: la Grande-Bretagne et la France ont décidé de taxer à 50% les bonus des banquiers supérieur à 27 000 euros. Selon le porte-parole du président Sarkozy, « il y aura bien une taxe exceptionnelle sur les bonus payés en 2010 au titre de 2009 ».

Dans le cas des banquiers canadiens, une telle taxe rapporterait à l’État un revenu spécial de plus de 4 milliards de dollars. Qui seraient contre cette mesure?