Le samedi 21 novembre 2009

QuébecSociété

Pour le cégep en français pour tous

Dossier linguistique: mettre le poing sur la table!

L'état de la langue française ]

Par RRQ

Les « indigènes » québécois paient pour que les Anglo-Canadiens aient de superbes universités et d’efficaces hôpitaux, chez nous, pendant que les nôtres souffrent d’un sous-financement chronique. C’est indécent et révoltant. Est-ce que quelqu’un peut, sans rire, me dire que tout cela est normal et acceptable?

Depuis quelque temps, des gens – et non les moindres – ont ramené sur la place publique la proposition voulant que l’on soumette les études collégiales aux dispositions de la Charte de la langue française visant actuellement les études primaires et secondaires. Le cégep en français pour tous les francophones et les allophones, donc. Ces mêmes gens ont compris, dans un contexte où la langue française perd dramatiquement du terrain au profit de l’anglais, qu’il faut donner quelques solides coups d’aviron si l’on ne veut pas se faire emporter irrémédiablement par le courant. La proposition – que j’appuie bien sûr – a tout juste refait surface que déjà, dans certains milieux, on tente de la torpiller. C’est déplorable.

C’est déplorable car la situation linguistique, au Québec, est tellement inquiétante qu’on ne peut garder plus longtemps la tête dans le sable. Il est temps de mettre le poing sur la table et d’imposer des solutions efficaces. En ce sens, il faut que le Parti Québécois accepte d’inscrire, dans son programme, l’imposition du cégep en français aux élèves allophones et francophones. Mais il faut également que le PQ comprenne que cette première mesure ne devra être considérée qu’en tant que début d’une solution dite globale. Sauver le français en Amérique exigera beaucoup plus. Et le mouvement indépendantiste devra accepter d’en payer le prix politique.

Souhaitant peut-être briser la vague qui se formait pour appuyer l’idée du cégep en français pour tous, Jean-François Lisée a écrit, dans son blogue publié sur le site de L’Actualité, qu’il fallait cesser, nous les Québécois, d’être sur la défensive. Je veux bien. L’offensive est une attitude qui me plaît bien davantage. Mais M. Lisée ne propose aucunement de passer à l’attaque. Il préconise tout simplement, en faisant preuve de beaucoup de mièvrerie, une solution qui nous amènerait, en tant que peuple, à plier encore davantage l’échine face aux forces assimilationnistes. Je ne peux pas être d’accord avec pareille attitude.

En lieu et place du cégep en français, Jean-François Lisée avance l’idée qu’on instaure un seul réseau collégial au Québec fonctionnant à 75% en français et à 25% en anglais. Pierre Dubuc, rédacteur en chef de L’Aut’Journal et membre du SPQ-Libre, a très bien démontré à ce sujet que la proposition de Lisée ferait encore davantage progresser l’anglais au Québec.

À l’heure actuelle, souligne Dubuc, 82% des cégépiens étudient en français. La proposition Lisée ramènerait le temps d’étude en français à seulement 75% alors que la proposition du cégep en français obligatoire imposerait les études dans la langue de Molière à 89% des élèves. Il n’y a donc pas à chercher de midi à quatorze heures. La solution du cégep en français obligatoire est beaucoup plus intéressante. Je dénonce donc la nouvelle proposition linguistique de Jean-François Lisée et me range résolument dans le camp de Pierre Dubuc.

Mais, il faut quand même bien comprendre que cela ne sera pas suffisant pour sauver le français. Une telle disposition ralentirait certes notre assimilation au bloc anglo-saxon nord-américain, mais il faudra quand même faire plus. Et faire plus exigera beaucoup de courage des indépendantistes et du PQ. Ce dernier parti (et tous ceux qui le soutiennent), s’il veut vraiment assurer un avenir au français au Québec, devra également se pencher sur l’injustice flagrante que l’on constate dès que l’on évalue la part du financement public qui est accordé aux institutions québécoises en comparaison de celui qu’obtiennent les institutions de la colonie anglo-canadienne en terre québécoise.

Ces dernières institutions agissent comme d’importants vecteurs d’anglicisation au coeur même de notre nation. Elles devraient être financées proportionnellement au poids démographique des personnes de langue maternelle anglaise au Québec, c’est-à-dire moins de 10%. Tout financement public au-delà de ce seuil confirme que nous sommes toujours dans une situation coloniale au Québec.

Les « indigènes » québécois paient pour que les Anglo-Canadiens aient de superbes universités et d’efficaces hôpitaux, chez nous, pendant que les nôtres souffrent d’un sous-financement chronique. C’est indécent et révoltant. Est-ce que quelqu’un peut, sans rire, me dire que tout cela est normal et acceptable? Bien sûr que non. Aucun peuple ne tolérerait cela, à part ceux qui sont autant colonisés que nous le sommes, nous les Québécois.

Afin de démontrer qu’il est bien résolu à s’attaquer à ce vestige du colonialisme le plus primaire, le PQ pourrait commencer par dénoncer l’aberration que constitue le dossier des deux mégahôpitaux universitaires montréalais. L’Université McGill a obtenu la moitié du budget québécois pour la construction des hôpitaux universitaires à Montréal. On parle d’une somme avoisinant les 3 milliards de dollars pour le McGill University Health Center (MUHC). La première pelletée de terre sera effectuée le 4 décembre prochain. Pendant ce temps, l’enclenchement des travaux pour le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) ne cesse d’être reporté. C’est donc dire que les Anglo-Canadiens, qui ne représentent même pas 10% de la population québécoise, ont obtenu la moitié du budget consenti par l’État québécois et qu’ils prendront possession de leur hôpital avant les Québécois. C’est d’une injustice sans nom.

Pour sauver le français, il faudra aussi changer collectivement d’attitude. Il faudra que nous comprenions enfin que nous formons déjà l’un des peuples les plus bilingues de la planète. Nul besoin de nous en demander toujours davantage, à ce chapitre. Il nous faudra nous convaincre nous-mêmes que nous avons le droit de vivre ici en français. Nous devrons nous convaincre que nous faisons déjà preuve de beaucoup d’ouverture en maîtrisant comme nous le faisons la langue anglaise alors que l’inverse n’est aucunement vrai. Il n’y a qu’à voir le degré de bilinguisme du Canada anglais. Alors qu’ils nous foutent la paix avec leur bilinguisme. Nous sommes déjà, à ce chapitre, exemplaires et ce, à l’échelle mondiale.

Il est plus que temps que nous comprenions que le problème ne se situe pas dans notre maîtrise collective de l’anglais. Notre plus grave problème se situe plutôt dans notre capacité à bien parler et écrire notre langue maternelle, celle-là même que nous sommes en train de perdre. Implanter l’enseignement de l’anglais en première année, comme l’ont fait les libéraux à Jean Charest, était une pure bêtise. Les écoliers québécois, qui peinent à écrire un texte correct à la fin de leurs études secondaires, se voient imposer, dès la première année, l’apprentissage d’une langue qui fait des ravages chez nous, de par son pouvoir d’attraction. Cela doit cesser.

J’invite donc le PQ à incorporer à son programme l’abandon de l’enseignement de l’anglais en première année pour reporter l’initiation à cette langue à la quatrième année du primaire, voire encore plus tard. Les experts – Claude Hagège en tête – ont démontré qu’il était plus efficace d’initier les écoliers à l’apprentissage d’une langue seconde beaucoup plus tard que la première année dans le parcours estudiantin. Alors, écoutons-les que diable!

En attendant de réaliser notre indépendance, la meilleure solution pour assurer un avenir au français en Amérique, il nous faudra mettre le poing sur la table et prendre des mesures sérieuses et efficaces dans le dossier linguistique. Et à ce chapitre, à l’évidence, Pierre Dubuc se veut un bien meilleur guide que Jean-François Lisée. Ce qui revient à dire que j’étais et demeure un partisan de l’imposition du cégep en français aux francophones et aux allophones.

Il est plus que temps que nous nous tenions debout en tant que peuple. Notre langue ne survivra que si nous l’aimons suffisamment pour la défendre avec fougue contre les assimilationnistes de tous poils, certes, mais surtout contre notre propre mièvrerie et obséquiosité. Le français ne sera jamais plus fort en Amérique que nous le sommes. Soyons forts et fiers et tout ira bien.

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  1. 1 Marcel Sylvain Tremblay Le 21 novembre 2009 à 15h43

    Bravo pour votre positon, m. Bourgeois. Comme dirigeant d’un groupe important, votre opinion fera pencher la balance dans le bon sens.
    Quand on se place dans une perspective canadienne, qui est quand même notre pays comme continuité directe de la Nouvelle-France, on peut se demander s’il n’existe pas quelque mesure réciproque à toute la latitude qu’on laisse ici aux anglophones, dans les autres provinces. Par exemple, est-ce qu’on pourrait, nous, aller faire nos études supérieures en français dans une autre province, à leurs frais (aux frais des anglophones de cette province), et, soit rester là pour y travailler en français et faire éduquer nos enfants en français, soit revenir travailler ensuite au Québec en français, toujours?
    Dans la première hypothèse, nous aurions un bon pied dans la porte de cette province anglophone pour la bilinguiser à plus ou moins brève échéance, et même la franciser à long terme. Dans la deuxième, ce serait ça de gagné pour notre province, d’avoir un bon professionnel sans que ça lui coûte un sous, en se foutant complètement des anglais de la province éducatrice ou formatrice qui nous aurait accueillie.
    Évidemment, nous n’aurions pas pas ce front, et puis, de toute façon, pareille hypothèse est purement théorique, car dans la réalité ça n’existe pas. Il n’y a que nous qui sommes victimes impuissantes de cette arnaque à la canadienne anglaise.
    Je pourrais ajouter d’autres exemples:
    – comme le fait de s’emparer de la métropole d’une province anglaise et de la franciser. Ça n’existe pas; aucune métropole d’une autre province anglaise n’est francophone ou sur le point de le devenir.
    – Comme le fait d’avoir des médias francophones très importants qui s’adressent à toute la population d’une autre province anglophone, dans le but inavoué ou à peine voilé de l’assimiler, en l’insultant et la dénigrant entretemps. Là non plus, je ne pense pas que ça existe nulle part.
    Dans ce contexte, il est sûr que votre position n’est pas celle d’un extrémiste, loin de là. Vous ne demandez que le strict minimum, dans le contexte du temps que nous vivons présentement, avec les idées qui flottent dans l’air. Quittes à pouvoir faire mieux éventuellement, dans de meilleures conditions, comme vous le dites ou le laissez entendre, dans vos mots. C’est raisonnable, et je suis d’accord avec vous, même si je suis un peu plus exigeant.

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Cet article de 1,254 a été rédigé par Réseau de Résistance du Québécois il y a 14 ans et 5 mois, le samedi 21 novembre 2009.

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