Le dimanche 5 avril 2009

PolitiqueQuébecÉconomie

La nomination de Michael Sabia est une erreur historique

Charest veut-il démanteler le Québec inc.?

Par Parti Québécois

Voici un texte d’opinion rédigé par Bernard Drainville, député de Marie-Victorin, et publié cette semaine dans le quotidien Le Devoir.

Le premier ministre Jean Charest a décidé de maintenir sa décision de nommer Michael Sabia PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il s’agit d’une erreur grave. Peut-être la pire qu’ait commise M. Charest depuis son élection en 2003, ce qui n’est pas peu dire.

La nomination de Michael Sabia pourrait avoir des conséquences incalculables sur l’économie du Québec, sur la protection de nos sièges sociaux, sur notre capacité d’être maîtres chez nous, bref, sur notre souveraineté économique. De l’ADQ à Québec solidaire en passant par d’anciens membres du conseil d’administration de la Caisse et des sources anonymes au sein même du PLQ, les Québécois sont, à juste titre, consternés par l’erreur aux proportions historiques que vient de commettre leur gouvernement.

L’affaire est tellement grosse qu’il faut se demander si Jean Charest ne s’est pas donné pour mandat de démanteler le Québec inc. avant de quitter le poste de premier ministre.

Rendement optimal

Pour le Parti québécois, la Caisse a deux mandats, tout aussi importants l’un que l’autre : offrir le meilleur rendement possible à ses déposants et aux retraités du Québec et participer au développement économique du Québec. Pour Jean Charest et son gouvernement, il semble que seul le rendement importe. L’endroit où l’argent de la Caisse est investi n’a pas d’importance, même s’il est ici question de l’épargne collective des Québécois.

C’est cette doctrine du rendement optimal qui a mené la Caisse à investir autant d’argent dans le papier commercial ou dans des projets douteux, comme celui de l’aéroport d’Heathrow à Londres. Dans ce dernier cas, la Caisse a investi deux milliards de dollars qui ne valent plus rien maintenant. Pourtant, rien ne démontre que l’investissement chez nous, au Québec, serait moins rentable qu’ailleurs dans le monde. Bien au contraire.

Le rôle de la Caisse

Michael Sabia se disqualifie comme PDG de la Caisse lorsqu’il refuse de s’engager à protéger Bombardier et les autres grandes entreprises québécoises qui ont leur siège social au Québec. À ce sujet, Michael Sabia, le jour de sa nomination, répondait en conférence de presse : « Je pense que ces décisions sont prises par ces sociétés et moi je ne suis pas convaincu que c’est même possible pour la Caisse d’avoir un rôle déterminant dans ces décisions. Ces décisions, d’ordinaire, sont dirigées par d’autres choses dont je suis pas certain que c’est vraiment le rôle de la Caisse [sic]. »

Pas « possible » pour la Caisse « d’agir »? Pas « certain » que « c’est vraiment le rôle de la Caisse » de maintenir au Québec le siège social de la Banque Nationale, de Bombardier ou de BCE? Qu’est-ce que c’est que cette foutaise? Mais alors, dites-moi, qui va protéger SNC-Lavalin? Et Jean Coutu? Et Couche-Tard? Et Cascades? Et l’Industrielle Alliance? Et CGI? Et Cossette? Et Métro? Et tous les autres fleurons du Québec inc. qui ont leur place d’affaires chez nous et qui pourraient faire l’objet d’offres d’achat hostiles dans l’avenir?

Sans compter Quebecor. Est-on conscient qu’à titre de PDG de la Caisse, Michael Sabia devient maintenant le patron du plus gros actionnaire de Quebecor Média (outre la famille Péladeau) ? Hier encore, il en était l’un des principaux concurrents, à titre de PDG de BCE. Le jour où Rogers — ou un autre concurrent torontois ou étranger — voudra acquérir Quebecor (ce qui veut dire notamment le réseau TVA), qu’aura à dire M. Sabia ? Est-ce qu’il protégera la propriété québécoise du groupe ? Ou deviendra-t-il complice de la vente de cette entreprise de chez nous à des intérêts n’ayant aucune sensibilité à la culture et l’identité québécoises ?

Compétence et nomination

Le choix de Michael Sabia est d’autant plus contestable que son parcours dans le monde des affaires a été tout sauf étincelant. Son seul véritable fait d’armes a été la transaction avortée entre Bell et Teachers, qui aurait eu pour résultat d’achever le déménagement du siège social de BCE de Montréal à Toronto.

De plus, alors que la Caisse a besoin d’un président qui connaît le placement et la gestion du risque, Michael Sabia n’a aucune expertise reconnue en ces domaines. Et on n’a pas encore parlé du processus totalement vicié qui a mené à sa nomination ! Imaginez ! Michael Sabia a été le seul candidat à être reçu en entrevue par le comité de sélection de la Caisse. Comme s’il était la seule personne dans tout le Québec à avoir les compétences pour occuper le poste. Ou à en avoir assez pour mériter une entrevue !
Décision politique

Cette décision sent la politique à plein nez. En nommant un fédéraliste notoire, ex-membre influent du Conseil privé du Canada et ex-membre du Conseil de l’unité canadienne, Jean Charest consolide l’influence de ceux qui ne veulent pas d’un Québec trop fort. Qui le veulent petit, docile, résigné à sa condition provincialiste. Est-ce la première étape menant au démantèlement de la Caisse en plusieurs entités ? Pour affaiblir encore plus le navire amiral du Québec financier et économique ? Pour nous affaiblir encore plus, collectivement ?

Il y a dans cette décision du premier ministre quelque chose qui ressemble à une trahison et une démission de ce qui devrait être son premier devoir : la défense des intérêts supérieurs de la nation québécoise. Nous n’avons pas fini de payer pour sa réélection.

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Bernard Drainville

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