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Jacques Plante: Quand les commandites surclassent le héros

Le visage de Jacques Plante dont la légende, cet appétit d’immortalité, fait de lui le gardien de buts innovateur, le premier en 1959 à porter un masque protecteur, conçu de sa main dans l’histoire du hockey à travers l’Amérique dans le circuit de la Ligne nationale de hockey (LNH), ne sera plus le point d’honneur sportif des citoyens de la ville de Shawinigan.

Au mémorial des honneurs, Plante est une passion, une image qui anticipe l’avenir. Envers et contre tous malgré la conduite récente de la Ville de Shawinigan. Une mauvaise conduite. Car l’Aréna Jacques-Plante n’est plus, le vieux complexe sportif est déserté, abandonné, réanimé tout à côté par un édifice flambant neuf, le nouveau domicile sorti de terre des Cataractes aux 4000 sièges. L’administration municipale condamne Jacques Plante à ne plus figurer qu’en photo du haut de la patinoire parmi d’autres joueurs aux performances mineures, dans le nouvel amphithéâtre de la ville élargie du centre de la Mauricie.

Natif de Shawinigan, Jacques Plante, héros des Canadiens de Montréal, est donc surclassé par l’esprit commercial d’un commanditaire (encore recherché) qui donnera son nom au nouvel édifice de près de 30 millions de dollars. Rentabilité oblige, se contente-t-on de justifier, non sans agacement devant les interrogations à l’Hôtel de ville de Shawinigan.

L’Amphitéâtre Jacques-Plante est un nom d’élite qui, certes justifie, exalte, rend fébrile la mémoire shawiniganaise et de tout le peuple. La fierté des amateurs de notre sport national garde tout son éclat. Mais le nom Jacques Plante est déclaré déficitaire dans ce régime commercial.

Plante aura eu beau battre tous les records d’endurance et d’athlétisme. Ses exploits devant les buts ont beau déborder, ils ne font pas le poids et s’écrasent bêtement devant une enseigne impérialement dressée et triomphalement lumineuse comme celle suggérée de l’embouteilleur américain Pepsi du haut de l’amphithéâtre.

Les multinationales n’ont-elles pas également cet appétit d’immortalité ?… à proliférer d’un sport à l’autre ? Une fièvre d’amour pour la marque ? À sceller une alliance Pepsi-Plante ? Ce qui serait contre nature. Pepsi Cola, Coca-Cola, Tim Horton, etc., sont des germes commerciaux sans éclat et dont les répercussions sociales sans âmes traversent l’Amérique et retentissent d’un complexe sportif à l’autre, d’une grande ville à l’autre. Voici le “Air Canada Center” de Toronto, le “Collisée Pepsi” de Québec, le “Centre Bell” de Montréal, le “Scotia Bank Center/ Centre Banque Scotia” de Ottawa, etc.

Le hockey dans les flancs de la haute finance. D’évidence, l’exercice est devenu capital à la survie de ce sport qui véhicule des vedettes millionnaires. Mais toutes ces petites villes de province qui forment la patrie de bien des héros du hockey, méritent-elles ce piétinement commercial venu tout absorber… au nom de la rentabilité de leurs complexes sportifs ?

Les petites villes telles que Shawinigan au Québec, restent le lieu de passage des générations sportives vers la perpétuation de l’espèce, c’est-à-dire de l’élite en devenir où tout s’édifie pour la mémoire collective dont la pointe pénétrante doit illuminer le nom des édifices autant que le nom des rues. Sans surprise aucune, le Québec n’échappe pas à cet instinct mercantile américain tout rayonnant d’un État à l’autre.

L’option commerciale liquide le passé; l’option commerciale québécoise suit la voie laminée de l’Amérique anglosaxonne. Tout au plus, les élus municipaux de Shawinigan se proposent de nommer le carré de verdure près de l’amphithéâtre, du nom de l’illustre cerbère. Histoire de s’en laver les mains ?