Le mercredi 26 novembre 2008

QuébecInternational

« La francophonie est au coeur de nos valeurs »

Le Québec opte pour la préservation de son identité tout en continuant d’accueillir de nouveaux immigrants

L'état de la langue française ]

Par Florent Michelot

Le multiculturalisme peut paraître séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe assez peu coûteux: intégrer une communauté nationale tout en préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle société d’accueil, est assez simple… Mais cette idéal ne résiste pas à l’épreuve des faits.

Malgré sa politique migratoire forte, le Québec vient de rompre avec le laisser-faire canadien. Le 29 octobre dernier, Madame Yolande James, Ministre québécoise de l’immigration et des communautés culturelles, a annoncé que les candidats à l’immigration devront désormais signer un document par lequel ils s’engagent à respecter les «valeurs communes» de la province. Parmi celles-ci figurent notamment le fait que «le français est [la] langue officielle» et que «les pouvoirs politiques et religieux sont séparés», la Ministre précisant qu’en cas de refus de signer cette déclaration, «la personne ne pourra pas venir».

Cependant, cette déclaration signée n’aurait aucune valeur coercitive: il s’agirait donc d’une simple formalité administrative additionnelle et non pas d’un contrat. Dans ce cas, pourquoi envisager une telle procédure ? M. Martin Lemay, Député du Parti Québécois et porte-parole en matière de citoyenneté et d’immigration, s’indigne du « manque de sérieux » accordé à ce dossier et constate que l’on ne peut pas, « par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures. Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la Ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour ». Favorable à un rééquilibrage des rôles, le parlementaire souverainiste plaide en faveur de l’émergence d’un accord qui poserait noir sur blanc les obligations mutuelles de l’immigrant et de l’État. Ce dernier doit notamment s’engager à mieux organiser ses services d’accueil (dispositifs d’apprentissage de la langue, de reconnaissance des diplômes et des acquis, etc.) « pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie, car nous n’avons plus les moyens de perdre un talent ».

Si la langue apparaît comme étant l’élément central du dispositif d’intégration, c’est que les québécois sont convaincus qu’il s’agit du médium à privilégier pour partager leur culture. En ce sens, la nation québécoise repose sur un ensemble de valeurs dont la francophonie est le coeur et le phénomène de globalisation les menace un peu plus chaque jour. Les conséquences sont directes pour les citoyens : il devient par exemple de plus en plus difficile de trouver un emploi unilingue francophone dans les rues de Montréal. Ce combat n’est donc pas d’arrière-garde et constitue une nécessité pour la préservation d’une société canadienne-française en Amérique du nord.

Aussi, sans rompre avec la tradition d’accueil qui fait la fierté des québécois, l’ancienne Députée du Bloc Québécois, Vivian Barbot, avait déclaré souhaiter voir émerger une politique pro-active en faveur de ceux qui choisissent « de se joindre à une nation qui a une histoire, des valeurs, une culture et un désir de vivre ensemble [pour] favoriser l’intégration de tous au sein de la nation québécoise et de préserver un espace neutre et laïc ».

En conséquence, si comparaison il doit y avoir avec les obsessions de Brice Hortefeux, elle ne peut qu’être limitée. À plusieurs reprises, Sarkozy a manifesté ses accointances à l’égard d’un multiculturalisme canadien qui fait la part belle aux communautés. En effet, il serait trompeur de croire en ses bienfaits car il ne fait qu’entretenir la passivité de l’État. La France n’est pas le Canada, et utiliser ses méthodes en ne prenant pas le fait migratoire à bras le corps est une chose que l’on ne peut plus se permettre.

Le multiculturalisme peut paraître séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe assez peu « coûteux » : intégrer une communauté nationale tout en préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle société d’accueil, est assez simple… Mais cette idéal ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il débouche inéluctablement sur le communautarisme le plus exacerbé, tout en fragilisant les bases d’un « vivre-ensemble » partagé et transcendant les cultures, croyances et philosophies. En outre, la prétendue politique d’intégration nouvellement mise en place en France ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’acceptation de l’étranger (ce qui n’est pas le cas quand on voit les quotas de reconduite à la frontière), à défaut de quoi elle ne constitue qu’un outil de plus pour jeter l’opprobre sur l’immigrant. La politique « d’immigration » sarkozyste prend donc le problème à rebours.

Au Québec, même si l’objectif de stabilité économique de 300 000 immigrants est souvent contesté, il s’agit avant tout, selon Martin Lemay, de « parler de stratégie plutôt que de niveau. Jean Charest [Premier Ministre du Québec] ne nous parle que de chiffres. Plutôt que de niveau nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, et oui à une politique de régionalisation de l’immigration ».

Il est clair que le modèle d’intégration républicaine par la convergence interculturaliste reste une option politique viable en France et ailleurs. Plus que cela il peut s’ériger en modèle de société laïque ouverte sur un XXIe siècle mondialisé. Contrairement aux Ministres français et québécois de l’immigration, il ne faut pas croire que la charge de l’intégration pèse uniquement sur l’immigrant. De la même manière que la « main-invisible » libérale est illusoire, l’intégration ne peut pas être une génération spontanée, encore moins l’oeuvre de l’esprit saint… Elle implique au contraire un effort réciproque d’acceptation de l’autre dans la communauté nationale. Cette dernière doit donc s’impliquer elle-même dans cet effort d’intégration, à commencer par ses institutions, qu’il s’agisse alors d’un État ou d’une Province.

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  1. 1 cr0vax Le 27 novembre 2008 à 13h27

    “la convergence interculturaliste reste une option politique viable en France”

    Non … Le modèle d’intégration français repose sur l’école, le service militaire et le travail.

    C’est un bon système justement parce que la charge d’intégration ne repose pas que sur l’immigrant.

    Mais aujourd’hui, le système scolaire français ne fonctionne plus, il n’y a plus de service militaire, et il n’y a plus de travail non plus.

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Profil: Diplômé de Science Politique de l'Université de Lille-2 - Ancien Directeur de cabinet adjoint du Président du Conseil Général d'Ille-et-Vilaine - Conseiller national au programme des Jeunes Radicaux de Gauche…

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Cet article de 898 a été rédigé par Michelot Florent il y a 15 ans et 3 mois, le mercredi 26 novembre 2008.

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