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Le « call » aux caribous

Actuel, en cette période du « nous »,

Pressant, quand le « beau risque » c’est vous,

Je lance l’appel aux caribous.

Les caribous, généralement appelés les « purs et durs », sont d’une race que j’admire. Ils sont souvent vieux, mais contrairement à ce qu’on dit souvent ils sont aussi plusieurs jeunes. Ils sont passionnés et persistants, mais aussi aigris par les défaites, les déceptions, les rejets et les injustices qu’ils ont vécus. Ils vivent souvent et fièrement, quelques fois même s’ils n’étaient pas là en personne, toute leur démarche avec la devise du Québec au coeur : Je me souviens.

Il y a deux types de caribous… S’il est clair qu’ils se souviennent, certains d’entre eux sont malheureusement comme ces vieux un peu conservateurs qui radotent toujours la même chose, qui restent toujours dans le passé, qui sont cyniques et qui sont en réalité au fond déjà morts. Mais il s’en trouve plusieurs et je le répète ce n’est pas une question d’âge, dont je considère faire partie. J’espère qu’il y en aura de plus en plus de ceux-là, qui se souviennent plutôt comme ces beaux vieillards qu’on aime, qui se rappellent, apprennent de leur vécu certes, mais en se tournant vers l’avenir, sans se répéter, en acceptant le changement. Positifs et optimistes, ils font confiance aux générations futures du Québec. Je suis un de ces caribous optimistes et ce message s’adresse à l’autre type qui je l’espère, m’entendra.

On compare souvent la nouvelle orientation du PQ vers l’indépendance nationale au « beau risque » vers le fédéralisme que ce parti avait pris durant les années 80 alors qu’en réalité s’il y a un beau risque actuellement, c’est celui du référendum ou de l’indépendance à tout prix. On fait cela, car le PQ a décidé de cesser de parler des processus d’accession vers l’indépendance tout en cessant de la promettre tant qu’on ne peut la livrer, pour s’orienter vers une démarche progressive où on en parle, mais en étant honnêtes, en offrant du concret qu’on peut livrer, en faisant avancer le Québec. Ceux qui disent ça oublient d’ailleurs qu’au temps du « beau risque » ce qui avait causé tant d’opposition chez certains ministres et députés, dont l’actuelle chef du PQ Pauline Marois, ce n’était pas tant le changement de démarche que l’acceptation du fédéralisme et le refus de parler d’indépendance qu’avait pris Lévesque.

Voici une citation intéressante : « (Le PQ doit réclamer) le rapatriement des pouvoirs et des points d’impôts essentiels à la réalisation d’une politique de plein-emploi. » Encore une autre : « C’est en ces termes concrets et actuels, sous forme d’objectifs partiels, progressifs, axés vers un but accessible à court terme, que la souveraineté doit être présentée au peuple québécois. ». Ce ne sont pas là des paroles de Claude Morin, ce sont celles de Camille Laurin le 3 décembre 1984 et le 10 janvier 1985 respectivement, en réponse au « beau risque » justement.

Or il est évident que le PQ actuellement n’accepte pas le fédéralisme et qu’il parle toujours d’indépendance. La réalité des sondages démontre qu’il n’y a pas la fièvre nécessaire à un référendum gagnant ou encore moins à une élection à majorité populaire. Outre cela, le simple bon sens politique devrait dicter qu’on prenne le pouvoir au plus tôt pour stopper l’hémorragie du gouvernement « à-plat-ventriste » de Charest et opposer les faux demi-cadeaux symboliques de Harper. L’idée de romantiquement risquer le tout pour le tout en se disant que ce n’est pas grave si on perd à court terme, car tout gain le sera pour l’indépendance pure et simple est dangereuse.

Un mouvement populaire doit se nourrir de victoire et de franchise. Vaux mieux une victoire avec compromis (mais jamais avec compromissions) qu’une défaite par dogmatisme. De toute façon déjà nous avons de la difficulté à nous nourrir de victoires avec toutes les défaites que nous vivons. Nous sommes sans cesse obligés de nous inventer des « victoires morales » pour compenser.

Je n’aime mieux pas imaginer si on allait de défaite en défaite pour les prochaines années. Puis ça ne vaut même pas la peine de s’attarder sur ceux qui prônent une indépendance sans vote populaire majoritaire, car autant c’est irréaliste, autant ce n’est jamais arrivé dans le monde depuis le 20e siècle. Les pays qui ont fait leur déclaration avec une simple majorité parlementaire avaient toujours un soutien clair de a population. Bien sûr, on s’est fait voler le dernier référendum et ça pourrait justifier ce type de démarche inusitée, mais pour ça il faudrait avoir au moins un semblant de consensus sur ce qui s’est passé en 95, ce dont je ne crois pas qu’on soit proche. À la place, nous devrions utiliser cette injustice plutôt pour légitimer de futurs gestes de « gouvernance souverainiste » (ou gestes de ruptures si vous préférez). Mais bon, je vais tout de même concéder à ces caribous que leur démarche « c’est un risque… mais c’est un beau risque. »

Par contre, il ne faut pas oublier que ce n’est pas risqué que pour les indépendantistes, c’est risqué pour le Québec. En partie parce que comme on l’a vu dans le passé chaque fois que le mouvement indépendantiste se retrouvait divisé ou affaibli c’est le Québec qui payait pour. C’est ce qui s’est passé en octobre 70, en 1982 lors de la Nuit des Longs Couteaux, vers la fin des années 80 avec les réductions de la loi 101 par le PLQ, après le référendum de 95 avec la loi sur la clarté et les commandites (le plan B), c’est ce qui se passe depuis 2005 avec le PLQ qui demande si peu que toute offre d’Ottawa satisfait et endort notre peuple.

Mais dans la logique de ces caribous c’est bien ainsi, car ils se disent que pire on traite les Québécois au Canada plus ils voudront l’indépendance. Si on avait suivi cette logique jamais la loi 101 n’aurait été adoptée. Ils ont tendance à oublier aussi qu’excepté pour les nationalistes très mous, les anglophones et les chantres du bilinguisme au Québec, les principaux opposants de Laurin à l’époque justifiaient leur critique exactement de la même manière en disant : « Si on fait ça pourquoi les Québécois voudraient l’indépendance par la suite ? » Camille Laurin avait fait le pari que c’était nécessaire pour soigner l’esprit de colonisé des Québécois et que ça aiderait la cause. Si on ne peut prouver hors de tout doute qu’il avait raison, on ne peut pas dire que ça a nui à la cause non plus.

Donc dans l’optique où ça n’aurait pas affecté le support à la cause que reste-t-il ? Il reste que maintenant malgré toutes les réductions qu’elle a subies, la loi 101 est un consensus qui a fait avancer le peuple Québécois et qui a fait de langue française une langue bien plus présente et utile qu’elle l’était dans le passé. Que serait Montréal aujourd’hui si ça n’avait pas été fait alors que la majorité de mes concitoyens sont maintenant anglophones selon le dernier rapport de Statistique Canada ?

C’est donc dans cette optique dans la ligne directe de Laurin que nous disons qu’il faut faire avancer le Québec en faisant le pari que ça donnera plus de pouvoirs au peuple tout en aidant la cause, en prouvant les limites du régime fédéral et surtout en faisant goûter un peu de liberté aux Québécois par espoir qu’ils y prennent goût. Puis si notre pari est raté, nous aurons au moins légué autre chose que des défaites à nos enfants et au Québec. C’est ça gouverner en indépendantistes.

C’est d’ailleurs à peu près exactement la position que défendait le MES. Si on observe la Maquette Gagnon-Pinel, ce que le PQ propose actuellement c’est exactement l’indépendance progressive et réelle par actes d’État qui y est dépeinte, non pas celle imaginaire et rêveuse de la démarche référendaire (ou d’une victoire électorale indépendantiste majoritaire, ce qui est encore moins réaliste et revient à peu près au même) dans les prochaines années.

Ce qu’il faut c’est faire l’indépendance sans référendum et sans majorité, juste avec une victoire électorale. Mais en même temps la faire par morceaux et la construire solidement, pas embarqué dans une démarche « d’Indépendance instantanée » qui comme toute chose instantanée est généralement de mauvais goût et peu consistante. Bien sûr qu’il y a encore des étapistes et des carriéristes au PQ et qu’il y a actuellement un risque pour le concept que nous défendons. Concept bien exprimé par les textes des 3 Travaux du PQ (dont je fais partie) et celui sur la gouvernance nationale que nous a livré Gérald Larose cet automne dans les pages de l’Action nationale. Mais comment voulez-vous que nous gardions le cap si tous ceux qui sont à la base et sont les plus purs défenseurs de ces idées quittent le navire ?

Au Québec il y a en ce moment de grandes discussions sur l’identité, sur la nation, le “nous” pour résumer. Il y a aussi 3 partis qui sont de différentes manières nationalistes : le PQ, l’ADQ et le PI. Il y a en même temps 3 partis qui sont de différentes manières souverainistes : le PQ, QS et le PI. Sans compter aussi le PRQ, les MLs et autres ultramarginaux. Si l’on additionne les votes du PQ et de QS, cela donne un résultat supérieur à l’ADQ et si l’on avait uni nos forces aux dernières élections il y a au moins quelques sièges que nous n’aurions pas perdus ; sans compter les luttes fratricides que nous continuons dans Gouin et surtout Mercier entre progressistes souverainistes.

Finalement, ce texte est donc un appel à la mobilisation modestement lancé en tout respect à ceux que j’appelle avec affection, taquinerie et un certain sens historique « les caribous », mes soeurs et frères compatriotes dans ce combat pour l’indépendance du Québec que nous menons. À la mobilisation, car nous sommes dans une période critique : le PQ est devenu le troisième parti, la population ne veut plus de référendums (ce qui est bien pour redevenir directs, mais peut être dangereux si on utilise pas cette opportunité), les débats sur la question nationale ne sont plus à l’ordre du jour, mais pas contre et c’est positif, les gens veulent plus que jamais parler de culture, d’histoire, d’intégration, « d’identité ».

Dans cette période, il faut impérativement que nous soyons unis. « L’unité des indépendantistes même si elle pose des problèmes, même si elle est rude par moment, difficile à faire, elle le sera dans les temps qui viennent, dans l’immédiat tout au moins, va constituer au Québec une force plus redoutable qu’on n’en a jamais vu. » André d’Allemagne a dit cela lors de l’entrisme du RIN et il ne pouvait si bien dire, mais cela s’applique tout aussi bien à aujourd’hui.

Si les péquistes s’unissent actuellement il reste tout de même plusieurs franges de militants, partisans et électeurs à rallier et c’est important que ce soit au PQ. Le problème c’est qu’il semble que certains ne seront jamais satisfaits. D’ailleurs, cette maladie unique aux caribous de la « radicalité purzédure aiguë » semble être contagieuse et se répandre. J’ai déjà entendu des victimes de cette maladie pour dire qu’en 95 lorsqu’ils ont voté oui ils n’étaient pas sûrs de ce que ça donnerait et qu’ils doutaient de la volonté politique du gouvernement (je rappelle que le Premier Ministre était Jacques Parizeau).

Ils vont même jusqu’à renier Bourgault en oubliant qu’il a toujours et jusqu’à la fin prônée l’union des indépendantistes dans le PQ. Il le fit même en 2003. À cette élection qui fut un peu le début de ce creux que nous vivons, cette défaite qui causa plus ou moins directement le départ de M Landry, ce vote où beaucoup d’indépendantistes restèrent chez eux. Élection d’ailleurs qui aurait dû peut-être nous permettre d’accéder à l’indépendance ou en tout cas d’avancer si nous avions été au pouvoir lors de la sortie du « scandale des commandites » alors qu’en 2005 près de 50% de la population était prête à voter oui.

Ils ont aussi renié leur PM favoris Jacques Parizeau, lors de la dernière élection en refusant d’écouter et répondre à sa demande de se rassembler et d’aller voter PQ. Ce sont encore les mêmes qui critiquaient tellement le chef du PQ et se vantaient tellement d’avoir fait avancer la cause et d’être les piliers de celle-ci, qu’ils ont oublié de militer pour leur représentant à l’Assemblée nationale Jean-Claude Saint-André en mars 2007. Ils l’ont abandonné alors qu’il s’était toujours battu contre vent et marée pour eux.

Ils ont abandonné l’Assomption, l’ancien comté de Parizeau, le pays des Cowboys fringants et le centre souverainiste de Repentigny s’il en est un, à l’ADQ. Ils ont abandonné les citoyens de cette circonscription aussi ; et moi, j’en ai même vu pleurer pendant des jours cette défaite incroyable. Tous ces abandons ils les ont justifiés par leurs désaccords avec les chefs, par leurs frustrations, leur fatigue et c’était peut-être de bonnes raisons.

Par contre si les abandons sont justifiables il est inacceptable qu’ils nuisent à la cause par leur division, qu’ils nous fassent exactement ce qu’ils reprochaient à Lévesque en s’accrochant et en prenant un « beau risque ». Je ne leur dis pas « hors du parti, point de salut », je leur dis plutôt de venir apporter leurs points de vues divergents et non partisans dans le parti et persister dans celui-ci. Je leur dis qu’à mon humble avis c’est plutôt « contre le parti, point de salut. »

Si vous voulez encore vous engager concrètement, de manière constructive bienvenue à vous, mais sinon laissez faire ceux qui gardent espoir. On ne peut tolérer d’être divisés lorsque tous nos opposants, excepté le PLC et encore, sont unis. Si nous voulons l’indépendance nationale, il ne faut pas seulement que les péquistes soient unis, il faut que tous les indépendantistes le soient. Écoutez mon appel…

Caribous du Québec, unissez-vous… au PQ!

Louis-Joseph Benoit
Représentant jeune du Parti Québécois de Verdun

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#1 Pingback By Faune politique | L’oreille tendue On 15 septembre 2009 @ 8h25

[…] francophone, Louis-Joseph Benoit se montrait plus ouvert, quand il publiait un texte intitulé «Le “call” aux caribous» : «Cet article est un appel [«call»] à la mobilisation modestement lancé en tout respect à […]